Article écrit pour l’Abonnement mensuel « Yogamrita chez Soi »
Voici le septième et dernier dossier dédié aux Cakra (Chakra) ou centres d’énergie.
A propos de l'Abonnement aux cours de yoga mensuels et du cycle des 7 Chakra
Pour information, cet article va être complété par un rendez-vous en ligne sous la forme d’un cours de yoga sur Zoom le samedi 26 novembre de 7h30 à 9h :
Ce cours sera donné dans le cadre d’un abonnement mensuel à des pratiques de « yoga intégral avec l’approche ayurvédique » par Michèle Lefèvre. Son replay restera accessible, sur la durée des 12 mois de l’Abonnement (quelle que soit la date d’inscription).
Il en sera de même, pour tous les replays des cours qui ont précédé et tous ceux qui suivront celui-là.
Au cours de l’exploration des 5 premiers Cakra (tous ces articles sont sur ce blog), nous avons retrouvé les 5 éléments, les 5 sens de perception et les 5 sens d’action. En Ājñā, le 6e Cakra (point entre les sourcils), il y avait le siège du mental et de l’intellect. Nous avons vu qu’Ājñā était aussi le confluent des 3 Nadi (canaux subtils) principales : Ida, Pingala et Sushumna.
Voici les liens vers tous les précédents articles sur les Cakra :
- Manipura Chakra : 1er article et 2ème article
- Svadhisthana Chakra
- Manipura Chakra
- Anahata Chakra
- Vishuddhi Chakra
- Ajna Chakra
Nous terminons ici ce cycle d’approfondissement des 7 Cakra, ces carrefours de transformation/distribution d’énergie dans le corps subtil.
Sahasrāra
Le 7e Cakra est «Sahasrāra», le lotus aux mille pétales. On l’appelle aussi Shunya Cakra (Vide, Néant) ou Niralambapuri Cakra (lieu/cité sans support).
«Sahasrāra Padma – ou le lotus aux mille pétales multicolores – pend avec sa corolle tournée vers le bas depuis le brahma-randhra [la Porte ou caverne de Brahman, sur la fontanelle], mais surplombe tous les autres chakra. C’est là la région de la Cause première (Brahma Loka), la Cause des six causes qui vont s’enclencher. C’est le grand Soleil à la fois cosmique et individuel, dans l’illumination duquel Parama Shiva [Pure Conscience] et Adya Shakti [Pure Energie] résident. »
Martine Buttex (1)
Sahasrāra est « A-Tattva », au-delà de toutes les catégories de principes ou éléments spirituels et matériels. En effet, en Sahasrāra, il n’y a plus aucun des cinq éléments, plus aucun des cinq sens, plus de mental, plus de pensée, plus d’intellect, … Sahasrāra ouvre au-delà de tout ce qui a précédé, car il donne accès à des plans de conscience inaccessibles au mental. Il se situe en dehors du corps physique, quatre largeurs de doigt au-dessus de la tête. C’est le point où Sushumna se termine.
Sahasrāra est donc comme un lotus de 1000 pétales qui recouvre la tête. Sa corole est tournée vers le bas, parce que nous somme dans la conscience de veille (habituelle) de l’incarnation. On dit que son lotus s’ouvre et se tourne vers le haut, au moment où l’état où le Maha Samadhi se manifeste…
Cela correspond à l’Union/la fusion de Shakti et Shiva. Sahasrāra est donc le siège de l’accomplissement, le lieu où fusionne Kundalini Shakti and Shiva. Cette union, de l’individu et de l’univers, permet au Yogi d’atteindre la libération de son vivant.
Dans cet état, il n’y a tout simplement plus d’activité du mental, plus de connaisseur, plus de connaissance, plus rien à connaître. L’illusion de l’individualité est dissoute. Le yogi fait un avec les principes cosmiques. La sagesse indienne explique qu’alors, il n’est plus soumis à la naissance et à la mort…
Brahmarandra
Cette porte est aussi appelée « porte de Brahman » ou Brahmarandra. C’est la porte qui conduit à la libération, à l’expérience de l’Unité.
Il est dit, dans les Upanishad, que la cité du corps comprend 10 portes. Les premières neuf portes conduisent la conscience vers le monde des sens. Ce sont :
- les 2 yeux,
- les 2 narines,
- les 2 oreilles,
- la bouche
- l’urètre
- l’anus
La dixième porte, Brahmarandra, qui conduit à la libération, du vivant même du sage ou du yogi. Brahmarandra est aussi l’orifice de la tête par lequel dit-on que l’âme s’échappe au moment de la mort.
Spanda
Le Spanda, la « vibration » ou « pulsation de l’Un », créatrice de l’Univers, est un thème profondément inscrit dans la tradition tantrique shivaïte du Cachemire. Cette vision du monde a été décrite au 8ème siècle dans la Spanda Kārikā.
Cette vision est différente de celle de l’école du Vedānta qui considère la Réalité suprême comme inactive, la Réalité perçue par l’école tantrique du Cachemire « est lumière consciente, énergie de pure liberté appelée Spanda, acte vibrant. »
« Parce qu’il est actuel, éternellement présent, le spanda est source de toute efficience, il est l’efficience même ». (2)
Ce sont donc deux façons différentes et complémentaires d’intégrer cette dimension de la Pure Conscience. Cette intégration ne peut se produire qu’au travers d’une expérience directe, découlant de la pratique.
Sahasrāra est le lieu de l’Un qui contient le Tout. Selon l’orientation du regard intérieur, deux mouvements peuvent être vu simultanément :
- l’involution, qui naît du désir et qui va vers la matérialisation (création) et
- l’évolution, qui naît de la libération des désirs, et va vers le retour à la source.
Lorsque l’on est capable de percevoir simultanément ces deux mouvements, c’est-à-dire, au-delà de la temporalité, de l’espace et de la causalité, on expérimente la Connaissance vraie.
Paramashiva – Bhairava
La tradition tantrique dit qu’en Sahasrara réside Parama Shiva, la Pure Conscience sans attribut. Parama Shiva est le Seigneur du sommeil profond, le Maître de la nuit, qui expérimente le repos absolu. Il est mû par sa propre inconscience, il est Shunya, le Néant, le Vide, qui précède la Création, c’est pourquoi on le nomme aussi Bhairava, qui est l’aspect terrifiant de Shiva.
Bhairava est privé de conscience, privé de sens… il est en dehors de toute temporalité et de toute causalité. Cependant, fondamentalement, il EST celui qui est, avant toute création et celui qui demeure, après toute chose…
Shakti Yoga et Shiva Yoga
Dans la vision yogique, Shiva est l’équilibre, et Shakti est l’énergie de transformation. L’un et l’autre sont déployés ensemble. Shakti crée grâce à la présence de Shiva, et Shiva est l’essence de la Nature, derrière toute chose. David Frawley distingue le « Shiva Yoga » du « Shakti Yoga », les deux pouvant se combiner.
Le Shakti Yoga inclut le Kundalini Yoga, le Kriya Yoga and le Mantra Yoga. Il consiste en pratiques de différentes natures, dont le Pranayama, les Mantra, les Dharana (concentrations) et Dhyana (les méditations) sous différentes formes, selon les enseignements tantriques.
Le Shiva Yoga cultive les qualités et les attitudes de Shiva, tels que stabilité, immobilité, paix et quiétude. Ce yoga met l’accent sur la non-action, le retrait et le silence, ainsi que l’internalisation de l’énergie, en vue de sa transformation, en cherchant plus à « être Shiva » qu’à « faire ». Ceci dit, le Shiva Yoga implique de passer par le travail avec Shakti, car Shakti est à la fois la force et le processus du Shiva Yoga.
Le Shakti Yoga cultive l’énergie de transformation, le jeu et l’expression. C’est une forme de yoga qui éveille la Shakti et laisse le flot de la Shakti nous guider sur le chemin. Les techniques ne sont pas fixes : elles incluent l’inspiration. Le Shakti Yoga peut aussi se manifester sous une forme plus dévotionnelle, envers la Shakti, la Mère Divine. La plupart des formes de Hatha Yoga et de Yoga tantrique ont une orientation Shakti.
Le Shiva Yoga suit, le plus souvent, l’approche de l’investigation sur la nature du Soi, comme en Advaita Vedanta, avec laquelle on plonge directement dans la réalité transcendantale, ou alors l’approche de la dévotion à Shiva, la Pure Conscience ou pure essence divine de toute chose.
La Shakti conduit à Shiva. C’est pourquoi le Shakti Yoga est celui de l’union de Shakti avec Shiva. Le Shiva Yoga conduit à l’absorption dans la Shakti la plus élevée, qui est pure êtreté, Sat Chid Ananda. Lorsque la Shakti se déploie, elle conduit à une transformation totale qui est le silence et l’immobilité de Shiva.
Si Shiva est le Seigneur du yoga, Shakti est son pouvoir, en passant par la pratique du yoga. (3)
Auréole
Quand le Sahasrāra Cakra est activé, il y a un attrait spontané vers la voie mystique. On peut expérimenter des réminiscences ou constater des acquis karmiques antérieurs, une sensibilité spirituelle innée.
C.W. Leadbeater explique que ce chakra s’éveille en général le dernier. Il dit ensuite que, tout d’abord, il est de même dimension que les autres Cakra. Mais à mesure que l’homme progresse, Sahasrara augmente régulièrement jusqu’à ce qu’enfin il couvre tout, ou à peu près tout le sommet de la tête.
Selon lui, au départ, le Sahasrāra serait une forme de dépression dans le corps éthérique. Au fur et à mesure de l’évolution, l’homme serait nourri par la force spirituelle extérieure, et ce chakra se retournerait : sa concavité deviendrait alors convexité. Dès lors, il rayonne, comme une proéminence qui se détache de la tête, comme un dôme, que l’on trouve représenté, dans les traditions chrétienne et bouddhiste. (4)
Pratique du Yoga
Comme pour Ājñā, Cakra, il devrait logiquement, pour expérimenter Sahasrāra Cakra, y avoir moins d’Asana, plus de Pranayama, plus d’intériorité, de lenteur, de silences, d’assise méditative, …
Pour s’intérioriser en Sahasrāra, nous allons chercher, plus que jamais, à installer les conditions nécessaires pour ralentir, voir ARRÊTER le Mental, afin de rester présent, centré, sans jugement, dans l’attitude du Témoin.
Encore une fois, nous aurions pu juste nous assoir et méditer pour expérimenter Sahasrāra Cakra 🙂 … mais si vous voulez pratiquer le Hatha Yoga postural, vous pourrez placer quelques Asana 😉
Sur le plan des Asana, nous allons inclure les postures inversées et la posture sur la tête, si vous êtes à l’aise avec… ainsi que toutes les postures qui montent la conscience vers le sommet de la tête…
Nous privilégierons les pratiques immobiles, les postures-clés tenues sur la durée (au moins 3-10 minutes)…
Avec ce même objectif, nous placerons souvent la Khecari Mudra : langue retournée sur le palais, vers la zone molle à l’arrière. Cette Mudra facilite l’arrêt du mental.
Drishti : Pour augmenter l’intériorité et la qualité de présence, on peut ajouter, à la pratique de Hatha Yoga, la Shambhavi Mudra, l’orientation du regard. C’est une invitation à retourner le regard physique vers le sommet de la tête, ou encore, vers le centre de la tête (les yeux sont révulsés). Pour accompagner cette pratique, on peut monter aussi un peu les sourcils. C’est une technique puissante, mais elle peut créer des tensions : alors, nous ferons, et déferons ce geste, autant de fois que nécessaire pour être confortable.
Marmasthana : amener à la conscience, le « regard psychique », vers la région du sommet de la tête (Brahmarandra), sans tourner physiquement les yeux vers ce point de la fontanelle.
Eveiller Sahasrāra revient à expandre la conscience et l’énergie au-delà de ses limites habituelles. Le Pranayama est la pratique idéale pour procurer la discipline, puis le calme mental.
Quelques Pranayama :
- Kapalabhati et Bhastrika (souffles dynamiques) expandent l’énergie et la conscience, tout en libérant des scories énergétiques. Leur pratique doit impérativement être suivie d’autres Pranayama qui vont stabiliser l’énergie mise en mouvement.
- Ujjayi procure le calme et raffine la conscience respiratoire.
- Les respirations alternées Nadi Shodhana (sans rétention 8:0:8:0 ou 6:0:12:0) ou Anuloma Viloma(avec rétention 4:16:8:0) équilibrent Ida et Pingala, et calment grandement le système nerveux et mental, conduisant naturellement à un état concentré.
- Nadi Shodhana non digital (sans boucher les narines) est la suite logique de la pratique de Nadi Shodhana (respiration alternée sans rétention). On vient déplacer la conscience vers une narine, puis l’autre, comme pour expirer/inspirer sur un côté, puis expirer/inspirer sur l’autre côté. Le déplacement alterné de l’attention vers la sensation tactile dans « la narine qui respire » fonctionne étonnamment bien et procure le calme. La longueur de l’expire et de l’inspire sont identiques (Sama Vritti). Le souffle est très subtil et silencieux.
- Enfin, certains Pranayama spécifiques calment particulièrement les pensées et conduisent à l’arrêt du mental. Je pense notamment à « Murccha », l’évanouissement, qui se pratique avec un allongement maximal de l’expiration, qui participe à l’arrêt (l’évanouissement) du mental.
- Pendant la pratique pour Sahasrāra, on oriente la conscience et le souffle vers ce Cakra.
La prise des Tri Bandha (Mula Bandha + Uddiyana Bandha + Jalandhara Bandha), pendant la pratique, canalise l’énergie et contribue à la faire remonter vers Sahasrara.
Toutes les techniques de Pratyahara et de Dharana seront favorables.
Le silence est, si l’on peut dire, le Bija (« son graine ») de Sahasrara.
Dharana, la pratique prolongée de la concentration, conduit à la méditation et Dhyana, Raja Yoga, la méditation, est la pratique, par excellence, pour le Sahasrāra Cakra.
Le Jnana Yoga, yoga de la connaissance conduit vers l’expérience de l’expansion de la conscience.
Autres pratiques de yoga en lien avec le silence, pour Sahasrāra: Nada Anusandhana, l’écoute du son intérieur et Ṣan Mukhī Mudrā, le sceau des six faces.
Les différentes Hasta Mudra viennent induire une énergie spécifique et favorisent la concentration. Il existe plusieurs Hasta Mudra favorables pour déployer la conscience de Sahasrāra Cakra. En voici quelques-unes, pour ne citer qu’elles :
- Sahasrāra Mudra (sceau des mille [pétales])
- Shunya Mudra (sceau du vide)
- Jnana Mudra (sceau de la connaissance) qui, symboliquement, relie le soi individuel (index) et le Soi universel (pouce), au-delà des trois Guna (doigts étirés).
- Bhairava Mudra (sceau de Shiva, sous sa forme terrifiante)
- …
Son et Silence
Sahasrara est le Chakra de l’élévation. C’est pourquoi, on peut mettre l’accent sur Udana Vayu, l’énergie montante, la force d’expression et de verticalisation. Le chant sacré, le Japa Yoga (répétition de Mantra), à haute voix, mentalement, murmuré, le chant de Bija, notamment le « Oṃ » et l’alphabet sanskrit, que l’on retrouve sur les 1000 pétales, contribue à cette élévation. Il s’en suit un silence d’une grande profondeur…
Au-delà des sons, il y a le Silence absolu. Au-delà du Son primordial, le pur Silence qui précède l’expansion de l’Univers (Spanda) ou qui suit sa rétractation (Nispanda).
On dit parfois que le Bija de Sahasrāra est le « mmm » qui termine le «Oṃ» et le silence qui le suit…
Si en Sahasrāra, il n’y a plus de Bija, il y réside pourtant tout le potentiel de la création. C’est pourquoi, sur certaines représentations de Sahasrara Cakra, on retrouve les lettres de l’alphabet sanskrit, écrites sur les 1000 pétales du Chakra. Les Bija ou lettres de l’alphabet s’y répètent plusieurs fois comme pour exprimer tout le potentiel de création, qui réside dans le Sans Forme.
C’est pourquoi le chant de tous les Bija des Chakra et de leurs pétales, de Muladhara à Ajna Chakra, est une forme de mise en relief du jeu entre Shakti et de Shiva, jusqu’en Sahasrara Cakra.
Le Mantra long de Sahasrāra Cakra est :
Oṃ sahasrāra padma sthāyai namaḥ
Salutation à la śakti qui demeure en sahasrāra cakra.
Bonne pratique !
Bibliographie
- Chakras, Corps subtils et Prana. Dossier préparé, traduit et annoté par M. Buttex
- Lilian Silburn, Études sur le śivaïsme du Cachemire, école Spanda, Collège de France, Institut de civilisation indienne, Paris, 1980
- Enseignements de David Frawley et notamment cet article : « Shiva and Shakti Yogas »
- Les Chakras, Ch. W. Leadbeater
Images
- Wikimedia : jpg (300 × 223 pixels, file size: 41 KB, MIME type: image/jpeg) Ayyavazhi – Chakra colors – Sahasrara (crown chakra)
- Nyo, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons – https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ayyavali_Sahasrara.PNG