Les Yamas sont les règles morales en société ou les observances par rapport aux autres, qui permettent au yogi d’être en harmonie avec ses semblables et la société; les Niyamas sont les observances qu’il pratique pour lui-même, ses disciplines personnelles, pour progresser sur le chemin du yoga.
Loin de moi l’idée de de vous répéter les définitions qui pullulent sur le web. J’aimerais vous rendre ces deux mots amis. Je souhaiterais que Yamas et Niyamas ne soient pas à vos yeux des règles de conduite privatives, réductrices, mais des tremplins vers la liberté, des outils quotidiens qui vous aident à tracer vous-même votre propre route.
Yama, Niyama, une introduction
Les Yamas et les Niyamas se situent dans le cadre des Yoga Sutras, texte de base du yoga classique. Yamas et Niyamas constituent même les deux premières étapes de l’Ashtanga Yoga, le chemin des huit étapes vers la réalisation du Soi. Ils ont déjà été mentionnés dans un article général sur les Yoga Sutra de Patanjali.
Écrire sur les Yamas et les Niyamas, c’est un peu remettre en perspective sa pratique du yoga:
Qu’est-ce que le yoga fondamentalement pour moi? Un suite de postures et de respirations, ou plus encore?
Quand commence et quand se termine ma pratique du yoga?
Qu’est-ce que j’en attends?
Le but du Yoga
Une démarche complète en Yoga – qui ne se limite pas aux exercices physiques – vise un changement radical de soi.
Le but suprême du Raja Yoga, la Voie Royale, c’est de changer d’état. Le Raja Yoga s’appelle la Voie Royale du Yoga parce qu’il vise l’étude puis la maîtrise du mental. D’un état «habituel», dispersé, soumis aux dictats du mental (souffrance, émotions, désirs), le yogi cherche à atteindre un état inconnu:
d’union,
de non besoin/de non-désir parce qu’il est déjà plein en soi,
un état de non séparation, au-delà du mental, donc inexprimable par des mots et des pensées.
Cet état semble peut-être lointain. C’est celui des sages, de certains yogis ermites que vous avez peut-être vus en vrai ou à la télévision. Peut-être même ne vous intéresse-t-il pas.
Mais en deçà de cet objectif ultime, que vous apporte votre pratique du yoga, comment vous sentez-vous après un cours qui vous a fait vraiment du bien?
Un mieux être, à la fois sur le plan physique et mental; vous êtes comme « unifié » ;
Une réconciliation avec vous-même, vous vous sentez bien en vous, pas de frénésie gourmande, pas d’émotion perturbante (telle que tristesse, jalousie, colère, …) ni de pulsion d’achat pour compenser un je ne sais quoi qui vous manque,
Et pendant la relaxation, vous aviez expérimenté un état tout particulier, intemporel, oubli du corps, légèreté, …; impossible d’exprimer avec des mots ce bien-être…
Et maintenant comparez la liste ci-dessus des bienfaits d’une bonne séance de yoga avec la liste un peu plus haut qui décrit l’objectif suprême du yoga. Elles se ressemblent, n’est-ce pas?…
Le yoga vise la maîtrise du mental.
La maîtrise du mental, pourquoi?
Maîtriser le mental, pour qui, pour quoi? me direz-vous… Celui qui n’a jamais tenté de méditer peut difficilement se rendre compte. Un premier article sur l’expérience de la méditation peut compléter ce qui est expliqué ici.
Le yoga part du principe que le bonheur, l’état de yoga, s’atteint par la maitrise du mental, le calme complet du mental. En fait, votre cours a eu pour seul objectif de calmer votre corps, vos nerfs, votre mental et son « petit moulin intérieur à penser », pour vous permettre de goûter l’état de repos du mental, à son silence...
Notre état intérieur « habituel », est un état dispersé, soumis aux dictats du mental. Ce dernier vous trimbale dans l’expérience de la pensée, du soucis, de la souffrance, des manques, des émotions parfois positives, parfois négatives et des désirs sans cesse renouvelés.
Là, maintenant, pendant la lecture de cet article, arrêtez-vous quelques instants… fermez les yeux et pensez intensément à un moment heureux que vous avez vécu dans votre vie, ou plus exactement pensez à une image de ce moment qui reste tout particulièrement gravée en vous. Pensez-y complètement, imprégnez-vous en comme si vous y étiez pendant 1 seule minute. Maintenez votre image du bonheur dans votre esprit pendant une minute complète, sans laisser émerger de pensée parasite …
…
Qu’est que cela a donné? Avez-vous réussi à garder toute votre attention sur cette image à l’exception de toute autre image ou pensée?
En général, la réponse est non. Ne fût-ce qu’une seconde, votre mental a été attiré par un bruit extérieur ou une autre pensée…
Pour maîtriser le mental, le yoga propose de le concentrer.
Avez-vous remarqué comme quelqu’un de passionné par ce qu’il fait, de parfaitement concentré est dans son petit monde et semble au-delà de tout soucis?
Un musicien qui répète un morceau; un artiste qui se concentre sur son œuvre, pinceau en main; un passionné de modèles réduits qui colle une pièce d’un millimètre sur sa maquette quasi terminée…
Pratiquer des exercices dans un état concentré et heureux, que ce soit de l’art, du sport ou du yoga, cela relie à notre « Êtreté ». Dans ces moment, le mental cède sa place, l’Être profond (le Soi) et son intuition prennent le relai, dans plus de vastitude; au-delà des paires d’opposés; des jugements; des attractions et des répulsions…
Mais la concentration n’est pas la qualité innée du mental…
la détente psychique de quelqu’un de très mental, non plus.
Et ce que vise in fine le yoga ne s’acquiert par des lectures ni pas la participation à des conférences. Non: c’est un exercice sans cesse répété pour progresser. C’est une expérience vécue de l’intérieur, une expérience individuelle unique qui ne s’approfondit que par une pratique régulière et la guidance d’enseignants qualifiés.
Les Yoga Sutra disent que le bonheur réside dans l’absence de parasites dans le mental, dans son dépassement:
Yoga Citta Vritti Nirodah
Le Yoga, c’est l’arrêt des vagues du mental (Yoga Sutra, I.2).
Comment y parvenir?
Par la discipline du Yoga.
Les Asanas (postures), le Pranayama (respiration), Dhyana (la méditation) sont efficaces, mais insuffisants.
Avant de les aborder, Patanjali préconise de mettre en pratique les 5 observances sociales, les Yamas et les 5 règles personnelles, les Niyamas.
Les 5 Yama – Les observances morales envers les autres – sont :
Ahimsa – non-violence
Satya – dire la vérité
Asteya – honnêteté
Brahmacharya – contrôle des sens et de la sensualité
Aparigraha – non possessivité par rapport aux biens matériels
Les 5 Niyama – Observances ou règles de vie par rapport à soi-même – sont :
Shaucha – pureté
Santosha – contentement
Tapas – austérités, pratique du Yoga
Svadhyaya – étude du Soi (sa véritable nature) et des écritures sacrées
Ishwarapranidhana – abandon à ce qui est supérieur
Dans de prochains articles, j’envisage d’aborder chacun d’entre eux, afin qu’ils vous deviennent familiers – dans la vie quotidienne, dans la pratique du yoga et dans votre recherche sur le sens de la vie.
Peut-être alors souhaiterez-vous les adopter et deviendront-ils des ailes vers la liberté…
Le souvenir de l’effort est toujours un souvenir heureux et l’on sourit aux anciennes misères vaincues.
Jean Guéhenno
Même remarque (que dans le billet précédent) pour le mot « étape » et l’idée qu’il y ait un ordre à suivre dans la pratique des huit membres.
Par exemple, peut-on véritablement vivre selon des règles comme la non-violence si le mental n’est pas apaisé par l’expérience de dhyaana ?
Re-bonjour Erika,
Il y a une partie de ma réponse ici. Tout ceci n’est que point de vue, bien sûr…
Les textes anciens sont là pour nous éclairer et engager notre réflexion. A mon sens, ils ne sont pas dogmatiques. Ou même s’ils l’étaient, c’est à nous de nous libérer des dogmes.
Les mots passent par le mental. C’est pourquoi il y a eu un nombre incalculable d’interprétations des yoga sutra ou de la bible, ou encore de l’enseignement direct de Jésus, ou de Bouddha, etc. On peut faire dire bcp de choses à un texte… presque tout ce qu’on veut, d’ailleurs (le mental est très fort pour cela).
Même à notre niveau individuel, on peut interpréter un texte différemment entre la première lecture, la suivante, puis une autre, selon notre propre état intérieur et notre expérience sans cesse enrichie.
– Pratiquer les asanas, le pranayama et la méditation, sans respect d’ahimsa (non-violence envers mon corps p.ex.) ni satya (non écoute de ce que je vis, sans authenticité par rapport à moi-même), cela n’a pas bcp de sens.
– Mais d’un autre côté, on sait bien que pratiquer affine ce que nous sommes et nous allège… Donc la pratique nous transforme.
En effet, la réflexion est juste dans les deux sens 😉
Bonne journée
Bonjour,
Je pense qu’il est essentiel de donner du sens à l’ ordre établi dans les sutras de Patenjali. En effet, je pense qu’ avant toute chose, la pratique du yoga n’est pas exclusivement réservée à celles et ceux qui se retirent du monde mais à celles et ceux qui vivent en société,qui élèvent leurs enfants, qui exercent leurs métiers (qui sont perpétuellement sous les influences extérieures, prisonnier des sens et des tourbillons du mental). Les règles de vie sont alors essentielles à comprendre et à appliquer afin de commencer la transformation intérieure dans la vie de tous les jours et et de s’ apaiser. Appliquer ses règles est une première approche, un premier contact en vue de calmer son mental et vient ensuite les asanas (action sur le corps), le pranayama (sur la respiration) puis le pratyahara (action sur les sens)… j’ arrive pour ma part,à comprendre le bon déroulement qui part d’actions sur nos gestes de tous les jours puis des actions sur des choses de plus en plus proche de soi jusqu’ à l’ action directe sur le mental.
De plus, le yoga n’ est pas qu’ une pratique. Il est une méthode et une fin qui est l’ union, c’ est à dire l’ harmonie avec toute chose, à tout moment.
Merci pour cet article 😁
Bonsoir Mowat,
Comme vous, j’ai toujours considéré que ma pratique intérieure n’avait de sens qu’au sein de la cité, au milieu de sa famille et de tous les problèmes en rapport. On ne se libère pas du monde, mais dans le monde. Nous pratiquons en Occident avec toutes les particularités spécifiques à cette civilisation. Je vous remercie d’avoir pointé du doigt cette réalité.
Chère Erika,
Si le mental n’est pas apaisé par la méditation, on ne peut pas gérer sa violence, certes. Toutefois, l’inverse est aussi vrai : nous pouvons méditer parce que nous avons une partie non-violente. On se sert du potentiel créateur de la méditation pour transformer l’énergie destructrice de la violence. On ne sait pas qui a commencé et qu’importe. On sait ce que nous devons faire pour se libérer de nos conditionnements.