« Sthira Sukham Asanam », c’est certainement l’aphorisme ou verset le plus connu des Yoga Sutra de Patanjali, un des textes de base de la théorie du Yoga. Son importance est capitale pour la pratique personnelle du Yoga.
A propos des Yoga Sutra
Je ne vais pas parler ici des Yoga Sutra, puisqu’il en a déjà été un peu question dans quelques articles. Voir notamment:
- Introduction aux Yoga Sutra de Patanjali
- Les Yamas (règles en société) et les Niyamas (règles personnelles)
Ici, nous chercherons à comprendre le pourquoi et le sens profond de « Sthira Sukham Asanam » et ce que cela signifie dans la pratique.
Signification de Sthira Sukham Asanam
Sukha signifie « l’aisance, le confort, agréable, facile » et
Sthira « la fermeté, la vigilance » .
Asanam c’est la « posture » .
Même s’il existe d’innombrables traductions à cet aphorisme, l’idée originelle reste la même: l’Asana est le maintien d’une posture juste, à la fois stable, ferme et agréable, confortable. Dans cet aphorisme, Patanjali fait avant tout référence à la posture de méditation.
Je le comprends personnellement comme la posture qui convient à la pratique de la méditation sur la durée (plus d’une heure). Le maintien de la posture immobile sur la durée n’est possible que si elle est parfaite, dans sa position spatiale, et si elle est maintenue sans tension, dans un profond équilibre.
Un équilibre nécessaire
Cette posture est un équilibre entre l’effort nécessaire au maintien et la détente:
le corps n’est ni par trop érigé, ce qui génère des tensions d’effort, liées au Rajas mental (excitation, activité),
ni affalé, ce qui génère douleurs et tensions, liées à la mauvaise posture et au Tamas mental (inertie, abattement).
Dans cette posture le corps et l’esprit sont présents et détendus, en l’état de Sattva (équilibre, pureté, légèreté), serein et concentré. Le méditant ne souffre plus de douleurs physiques, ni d’agitation mentale. Il peut alors expérimenter la suspension du temps et de l’espace. Grâce à la posture maîtrisée, il a franchi ses propres limites et peut faire l’expérience de la méditation profonde.
Sthira Sukham Asanam dans la pratique
La définition de Patanjali, même si elle qualifie la posture de méditation, est parfaitement adaptée aux postures de Hatha Yoga. Ces autres postures, expliquées plus tardivement dans les textes, ont été décrites comme des moyens pour maintenir le corps en bonne santé, et le purifier. Elles participent à la stimulation de l’énergie vitale.
Asana signifie donc « posture ». Les postures de Yoga favorisent l’étirement des muscles (alors même que nombre de pratiques sportives les raccourcissent), améliorent la tonicité. Ils procurent un meilleur équilibre, une sensation de bien-être et améliorent le maintien.
La pratique des Asana conduit au développement de l’écoute. Le relâchement musculaire, la pratique non-violente, provoquent chez le pratiquant une prise de conscience progressive de son schéma corporel, par la proprioception (prise de conscience du schéma corporel) et l’introception (les sensations intérieures).
L’Asana réunit, en même temps, les deux qualités de Sthira et Sukha, l’effort juste, dans une présence détendue totale:
- La pratique correcte de l’Asana se fait dans la vigilance. La présence totale induit la précision et la justesse de la posture. L’effort mesuré lui assure sa fermeté.
- L’Asana est pris dans l’optique de la juste économie de l’énergie vitale, induisant ainsi le confort. Il y a aisance et détente, mais pas relâchement mental ni «avachissement» physique.
La respiration correcte, longue et libre de tension, s’unit en fluidité à la posture. Elle contribue à harmoniser Sthira et Sukha puisqu’elle induit à la fois vigilance mentale et détente physique.
Sthira
Avec Sthira, le travail sur la posture se fait par l’effort, initié dans une extrême conscience. Avec patience, la posture est perfectionnée, dans la mesure des possibilités du corps. Elle est prise, tenue et quittée avec justesse, rigueur et fermeté. La concentration et la présence mentale sont totales.
Sthira rime avec effort juste, renforcement, immobilité, concentration. Sthira permet le travail des muscles et des articulations en profondeur.
La tenue prolongée des postures produit des effets vertueux: le corps est comme essoré, les toxines sont drainées, les muscles profonds sont renforcés et la circulation, ainsi que l’oxygénation sont améliorées.
Sukha
Par Sukha, s’inscrivent les dimensions de facilité de la posture, d’aisance, mais aussi de joie. C’est aussi le lâcher-prise, l’écoute, le respect du corps, de sa structure et des ses possibilités à un instant «t». Il n’est pas question en Yoga de prouesses, au-delà des possibilités physiques du pratiquant.
L’aisance s’applique à la fois au corps, stable dans la posture;Â à la respiration, fluide; ainsi qu’au mental, libre de tension et de perturbations. La respiration agit comme un «liant» entre le corps et l’esprit: la respiration fait relâcher le corps physique, le système nerveux et, par voie de conséquence, le mental.
On retrouve en Sukham les dimensions de proprioception et de détente, qui permettent de doser l’effort au plus juste. Pour progresser dans les postures, il est nécessaire de limiter l’effort physique et mental au strict nécessaire, afin d’économiser l’énergie et de la faire circuler. Le bénéfice recherché est l’harmonisation pranique (énergétique) et spirituelle.
Un fil rouge à votre pratique
Sthira Sukham Âsanam représente pour beaucoup un fil rouge à la pratique.
- Cela signifie, d’une part, que l’attention est portée ces deux notions lors de la pratique de chaque Âsana ;
- et d’autre part, que la pratique et les cours sont construits autour de ces deux qualités, qui sont mises successivement en relief, pendant le déroulement de la séance:
En début de séance: Par Sukham, le corps et le mental sont tout d’abord déposés sur le tapis. Sukham est en quelque sorte la mise en condition yogique, un état d’être à installer. Puis c’est la préparation, la mobilisation progressive du corps en vue d’un travail plus spécifique.
Pendant le coeur du cours: Sthira, est à son plus fort au point culminant du cours, pendant la pratique de la(les) posture(s) principale(s). Cette posture est préparée, introduite, puis perfectionnée dans la mesure des possibilités du corps. Elle est travaillée avec patience et extrême présence à soi-même. A ce moment, même en Sthira, le pratiquant retrouve Sukham. Car l’un et l’autre sont intimement liés, de sorte que l’un n’est parfait qu’en présence de l’autre.
Pendant les relaxations: Sukham se retrouve aussi tout particulièrement entre les postures, dans les relaxations intermédiaires, puis culmine lors de la relaxation finale…
Bon Yoga!
Chère Michelle,
Merci pour toutes ces explications sur les différentes postures et sur le yoga source de vie et de joie.
Je perd un peu le fil , je n’arrive plus à « fabriquer » mes séances!
J’aimerai pouvoir construire à partir tout ce bel apport que tu nous offres…
Comment préparer et introduire Sthira par exemple…
Peux-tu m’ aider ?
Namasté
Millacat.
Chère Millacat bonjour,
ouh… mais ce n’est pas simple de te donner une telle réponse 😉
… car il y a tellement de possibles!
Tu peux par exemple trouver sthira progressivement, en installant un état d’esprit. On commence par une pratique douce (Sukha) qui va mobiliser le souffle, l’énergie, la qualité d’attention et le corps. Puis, lorsque ces qualités sont là, tu peux progressivement intensifier la pratique avec par exemple des salutations, puis un travail postural… mais, comme je le dis dans cet article, même si ta pratique a une tendance « sthira », elle se doit d’être accompagnée de « sukha ».
Exemple: Si je pratique la série des guerriers « Virabhadrasana » en explorant uniquement la qualité « sthira », je vais rechercher la perfection des alignements, le passage du souffle yogique et la fixation du mental (dharana) avec une belle rigueur. L’inconvénient, c’est que je risque de développer la sensation mentale d’être dans l’effort, et de porter l’exercice par mon travail personnel. Ceci va être source de fatigue et de tensions.
Alors, pour tenir ces postures sur la durée, je vais aussi me connecter à « sukha ». Voici un exemple concret (il peut y en avoir bien d’autres): Je recherche l’allègement en me reposant p. ex. sur l’interdépendance des forces et des énergies: Si je prends conscience de l’énergie terre à laquelle mes pieds sont connectés (sol -> énergie magnétique) et de l’énergie ciel autour de moi et du sommet de la tête (espace et lumière -> énergie électrique), je me reconnecte à mon corps subtil et aux forces universelles. Cela peut paraître un peu tiré par les cheveux, mais le vivre permet de le comprendre. Si je me connecte aux énergies terre et ciel, j’ai moins d’effort à fournir. C’est instantané. Je ressens les muscles contractés inutilement relâcher les uns après les autres. L’effort donné est alors juste celui qui est nécessaire à la posture. Il n’y a plus de déperdition d’énergie… et je suis même rechargée par les énergies terre et ciel, comme tout est en interrelation…
Namaste
Chère Michelle
Merci pour ta réponse.
Et me voici repartie grâce à ton éclairage!
A bientôt
Millacat
Bonjour Michel, Cela fait une quinzaine d’années que J’enseigne le joga.
Je voudrais aller vers un yoga plus Spirituel, J’aurai besoin de quelques conseils pour aller dans ce sens.
J’enseigne le Hatha yoga.
Et je pratique à yoga postural.
Pourrais-tu mitée à pratiquer à yoga équilibré entre la posture et la spiritualité.
Merci pour ta réponse Namasté
Bonjour Patrick,
Je vous réponds par email privé.
Namaste