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La vie et la mort, bien qu’intimement liées, s’opposent souvent dans notre esprit.

yogamrita vie mort

Pourtant, plusieurs fois par jours, nous mourrons et nous naissons.

Tous les soirs, nous mourrons à l’activité de la journée, pour naître au sommeil. En yoga, l’on meurt à l’expiration, pour renaître à l’inspiration, à chaque instant de la pratique.

Je me régale en cueillant les mûres noires et gorgées de soleil. Je ne verse pas de larmes pour les feuilles détachées de leurs arbres nourriciers. Rouges, jaunes et rouilles, elles vont bientôt joncher le sol et craquer sous mes pas. J’aime contempler les arbres découverts, froids et nus, plus présents que jamais, tout en écoutant le vent par la fenêtre. Puis, je m’étonne chaque année en revoyant fleurir la terre depuis longtemps endormie …

Tout cela nous le sentons, nous le vivons… et pourtant, la vie et la mort s’opposent dans notre esprit, lorsqu’elles se font plus proches de nous, c’est-à-dire, lorsqu’elles nous touchent de près. Que ce soient nos proches, d’autres êtres humains, ou même des animaux, plus semblables à nous que les végétaux. Une naissance nous émeut. Une mort nous serre le cœur, parfois pour très longtemps.

Toute naissance implique une mort. La nôtre aussi… et c’est peut-être ce qui nous bouleverse tant. Est-ce pour nous rassurer que nous mettons des étiquettes sur tout (« j’aime la vie »; « être jeune, c’est bien; la vieillesse, mieux vaut ne pas y penser; la mort, c’est le pire », …), comme pour nous protéger?

Et si l’équilibre était ailleurs? au-delà des préférences et des peurs? au-delà des appréhensions et des projections?

C’est un sujet bien difficile. Car la mort est source de tant de douleur et de souffrance chez beaucoup d’entre nous.

Voici une citation à ce sujet, une phrase de sagesse, tirée de « Naître en yoga », de Shri Mahesh:

« La vie et la mort sont sœurs. L’une ne peut pas vivre sans l’autre. La semence meurt pour devenir plante. Les feuilles meurent et tombent en poussière; les branches meurent. Les fleurs du matin meurent la nuit; leur mort nourrit le fruit.

Le nourrisson meurt et devient garçon; le garçon meurt pour devenir un homme; l’homme meurt pour devenir un père; le père meurt pour devenir grand-père; le grand-père meurt pour devenir poussière; la poussière reprend forme, murît, pourrit et meurt.

La mort renaît, comme la naissance meurt et revient à la vie. Aussi ne riez pas à la vie et ne pleurez pas à la mort. »

Swami Bharati [1]

« Ne pas rire à la vie. Ne pas pleurer à la mort ». J’entends cela comme une certaine ouverture au phénomène, au principe « vie-mort », à ce qui EST; tout comme nous sommes ouverts au principe des saisons, que nous acceptons, même si chacun d’entre nous a ses préférences pour l’une ou pour l’autre. Ne pas refuser l’inévitable, ne pas se voiler la face et accueillir ce qui est, « La vie – La mort », sans se construire un rêve ni un cauchemar pour s’en échapper … Serait-ce, non pas de l’indifférence, mais un brin de sagesse?

***

[1] Source de la citation de Swami Bharati: L’excellent ouvrage de Shri Mahesh et Élisabeth Raoul:
Naître en yoga, Éditions du Rocher, 1999.

Michèle Lefèvre Granclément

Le Yoga m'accompagne au quotidien depuis longtemps et je le transmets depuis 1991. La méditation et la pratique des différents aspects du Yoga Intégral, les rencontres sur le chemin, et l'étude des textes sacrés / philosophiques, sont mes sources d’inspiration. L'amour de la Nature et l'approche holistique de la santé, depuis l'enfance, m'ont conduite à mettre en pratique conjointement les sagesses de l'Ayurveda et du Yoga, puis à étudier leurs synergies. La Joie et l'évidence de la transmission de ces voies sœurs découlent de cette expérience de Vie.

6 Comments

  • Michele dit :

    Voici les 3 commentaires écrits lors de la précédente publication de cet article sur le blog:

    1. Marc a dit: Ouvert 20 août 2008

    Merci pour cet article qui me porte à l’observation de ma propre façon de vivre avec la mort, mais aussi le ralentissement et l’arrêt d’une activité quelle qu’elle soit.

    La mort d’un proche est une chose qui est quasi inévitable dans la plupart de nos existences, et qui porte sa part de douleur, et de temps pour vivre cette nouvelle existence de l’après.
    C’est pour cela que je sais qu’il n’y a pas de pirouette intellectuelle pour accepter la mort. La mort, je veux la considérer, la vivre dans mes nuits, les saisons, les changements de mon existence. J’aime à la considérer comme une facette de ma vie.

    Je vis chaque matin un temps où je ne suis plus l’homme actif, l’être qui va d’activités en activités, de pensées en pensées. Je suis là tranquille, détendu, tourné vers la non action, l’accueil de ce qui est, que ce soit la fatigue, une émotion, une pensée fugace… puis je me tourne doucement vers l’amour, la lumière, le paisible ou l’indicible.

    Le fait de ne rien faire, pour être en toute conscience dans le moment présent, me pose et m’ouvre naturellement à l’accueil de toutes choses. Cette sensation est pour moi voisine de la mort et participe à mon existence.

    La nuit ne me fait pas le même effet, car j’ai plus l’impression d’être une pile en recharge, et de vivre une autre vie à travers mes rêves. Autrement dit, j’ai le sentiment d’être en activité aussi la nuit.

    Je pense que ma vie active a beaucoup à gagner à côtoyer le serein, le temps suspendu, et l’ouverture qui en découle. C’est pour moi une fenêtre sur le bout du chemin, et la traversée de la rivière vers l’après qui se renouvelle chaque jour.
    Belle journée.

    Marc

    ***

    2. Sena a dit: Ouvert 9 octobre 2008

    Michèle,
    C’est beau et profond!
    Je me pose souvent des questions de notre
    existence sur la terre ? Quel est le but de tout
    ça? Tout doit disparaitre et tombé dans l’oubli!
    Alors comment comprendre cet mystère qui
    s’appelle la vie ??

    ***

    3. Michèle a dit: Ouvert 9 octobre 2008

    Bonsoir Sena,
    Tes questions sont profondes elles aussi…
    Et la science n’y répond pas vraiment, ou du moins pas complètement.
    Les philosophies du yoga et du Samkhya y apportent des réponses, d’autres approches philosophiques ou religieuses aussi.
    Écouter, lire, apprendre, recevoir, c’est une chose.
    Mais il est bon ensuite de ressentir les choses, par soi-même, là où l’on en est, en prenant le temps de laisser jaillir les questions en soi.
    En se relaxant, on écoute alors les réponses qui montent d’elles-mêmes, de l’intérieur.
    Ce qui vient est ce que l’on a effectivement compris, digéré, intégré. C’est parfois intuitif. C’est ce qui est compréhensible pour soi, aujourd’hui. Et je crois que c’est là l’essentiel.
    Si les questions reviennent souvent, se donner régulièrement de tels moments est un joli cadeau que l’on se fait à soi-même.
    Car rien de tel que de donner du sens à sa vie, n’est-ce pas?
    Bonne soirée
    Michèle

  • philippe12 dit :

    merci michelle,

    j’ai beaucoup aimé medité sur ce texte hier soir.
    c’est une question passionante, ..n’est ce pas la seule ;O)

    Vis comme si tu devais mourir demain, Apprends comme si tu devais vivre toujours . (Gandhi)

    Namaste

  • millacat dit :

    …Alors pourquoi vivre?

  • Hawawini dit :

    Dans mon expérience intérieure, il n’y a pas de place au discours d’un autre sur la vie et la mort.
    Tout ce que vous écrivez-là est encore un « regard » sur la mort DANS l’intervalle de la vie. Mais qu’en est-il du regard sur la mort face à son PROPRE contenu ?
    A ce moment, il apparaît que le contenu de la vie et de la mort se manifeste ensemble dans le même présent, que l’on soit dans l’une OU dans l’autre ; comme deux faces d’une même feuille. Ainsi, quand la conscience est arrivée dans ce moment où le passé et le futur se confondent dans le seul présent, les contenus de la vie et de la mort sont vécus, non pas comme successifs mais comme superposés. Cette vision n’est pas sensorielle, créée donc ; elle se fait grâce à un regard incréé, notre ultime origine. Ce regard « fait pivoter » à 90° la succession horizontale et temporelle des intervalles, en leur superposition verticale et intemporelle. Quand on expérimente ceci, on comprend de quoi est fait l’intervalle, non pas de LA mort, mais de SA mort, par rapport à celui de SA vie. On peut toujours le décrire avec des mots temporels, cad avec des symboles, mais ils ne rendent pas compte exactement de leur contenu qui doit être expérimenté au-delà de tout processus mental, symbolique et temporel.

  • Michele dit :

    Merci pour ce texte. Tout échange/partage se fait forcément d’après nos vécus, un regard. L’échange a sa place chaque fois qu’il nous apporte qqch. L’expression de certains concepts est au-delà des mots et du duel. Le texte d’Hawawini me touche par sa profondeur.
    OM

  • Hawawini dit :

    Je rajoute que la fonction la plus sublime du corps humain fait que toute la physiologie de ses organes est orientée pour réaliser l’expérience de la vision simultanée des contenus des intervalles de la vie et de la mort dans le même présent.
    Chaque organe, chaque entraille a un rôle à jouer, non pas pour réaliser les « 4 B », mais pour décrocher de l’illusion du temps passé et futur, dans le seul réel du présent ; en dissolvant tous les processus mentaux qui nous maintiennent dans le temps.
    Il n’y a pas un temps avec un réel à partir duquel, à un moment donné, l’imaginaire naît. L’imaginaire ou l’illusion existe dès l’apparition du temps, cad de la pensée et des sens.
    Il est donc tout à fait illusoire, c’est le cas de le dire, de penser qu’on peut comprendre quelque chose du réel à partir de son mental car il n’est pas équipé pour répondre à cette question.

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