Paschimottanasana, « l’étirement intense de l’Ouest » ou « arrière du corps », fait partie des quelques postures essentielles du hatha yoga et elle a déjà fait couler beaucoup d’encre, tant elle est centrale. Chaque asana est une expérience en soi, sur tous les plans, physique et subtil. Il induit un état d’être qui lui est propre, et cette expérience est le cœur de la pratique.
Afin de croiser cet article et mon travail en yoga avec l’approche ayurvédique, je propose, de voir comment cette posture de yoga peut apaiser le Dosha Vata et contribuer à réguler les déséquilibres de ce Dosha. En Ayurveda, conserver ou retrouver l’équilibre des Doshas, c’est la base de la santé et de l’harmonisation des différents plans de l’existence.
Pour ce faire, définissons ce que sont les Doshas puis, affinons la nature de Vata. Ensuite, nous verrons comment une séance de yoga peut agir sur Vata, et enfin nous terminerons en prenant l’exemple de Paschimottanasana.
Les 3 Doshas
Le Dosha Vata est l’une des 3 humeurs fondamentales de la manifestation, selon l’Ayurveda. Ces 3 humeurs se retrouvent en toute vie, selon une combinaison unique et spécifique à chaque individu. Vata est le principe du mouvement, Pitta, celui de la transformation et Kapha, celui de la cohésion.
Vata Dosha
Vata signifie littéralement « ce qui souffle ». Son élément dominant est l’Air, et son élément secondaire l’Ether. Il est en lien étroit avec Prana. Vata est le plus subtil des 3 Doshas. Il est aussi le plus prompt à se déséquilibrer.
Les « sièges » de Vata sont : gros intestin, bas-ventre, cuisses, os, oreilles, peau.
Les qualités de Vata sont : sec, froid, rugueux, fin, instable, léger.
Vata est présent dans tous les mouvements du corps, volontaires et involontaires. Il régit tous les rythmes de l’organisme, la respiration ainsi que le système nerveux et la sensibilité, sous toutes ses formes. Vata gouverne aussi les 2 autres Doshas, incapables de mouvement sans lui : circulation, effort, équilibre des tissus, …
Vata procure la faculté d’adaptation, l’enthousiasme et la créativité. L’intuition et l’inclinaison pour la spiritualité sont Vata, tout comme la capacité d’adaptation au changement … ou la tendance à l’instabilité.
Troubles Vata
Les perturbations Vata entraînent 60 % à 80% des pathologies. Le stress est un dérangement Vata et pour le diminuer, il convient de contenir Vata en premier. Les pathologies Vata sont très souvent liées aux problèmes d’organisation de la vie et aux rythmes irréguliers (facteurs Vata).
Bien que chacun de nous naisse avec une constitution spécifique, les rythmes de vie non respectueux de la Nature et de notre nature, le stress, une alimentation rapide et déséquilibrée, aggravent le Dosha Vata. Ainsi, les troubles associés à Vata, sont dominants dans la société actuelle. Ils comprennent : nervosité, anxiété, tremblements, problèmes du système nerveux, mouvements parasites ou mal coordonnés, tics, fatigue sensorielle, insomnie, crampes, hypertension, problèmes de peau, d’articulations, extrémités froides, raideur, perte de souplesse avec l’âge, flatulences (gaz), problèmes intestinaux, troubles de l’élimination, constipation, coliques, confusion, atonie, congestion, débilité.
Pratique du yoga pour un Vata aggravé
La pratique du Yoga, dans une optique ayurvédique, empêche l’accumulation des Doshas et contribue à les maintenir en harmonie, à leur juste place, à les entretenir en tant que forces de santé, garantissant le bon fonctionnement des différents systèmes. Les Asanas, pratique de base du Hatha Yoga, permettent de purifier le corps physique et les canaux subtils ou Nadis. Leur efficacité dépend bien entendu de la durée et de la régularité de la pratique.
Les Asana influent sur les Dosha au niveau qualitatif. Une séance de Hatha Yoga traditionnelle est tridoshique, c’est-à-dire qu’elle équilibre les 3 Doshas. L’objectif premier, toutes constitutions confondues est de calmer Vata, quasiment toujours déséquilibré (stress, sur-stimulation sensorielle et nerveuse, hyperactivité), puis de remettre Vata et Pitta à leur place et, enfin, de préserver Kapha (le simple fait de calmer Vata va préserver Kapha).
Paschimottanasana est excellente pour apaiser les Dosha Vata et Pitta ; elle a tendance à augmenter Kapha Dosha.
Comment Paschimottanasana agit sur Vata Dosha
Comme toutes les flexions avant, Paschimottanasana procure ancrage, stabilité, alignement, apaisement immédiat et sérénité, évacuant ainsi l’excès de Vata et renforcement du système nerveux. Paschimottanasana invite à Prathyahara (le retrait des sens), évitant ainsi les déperditions inutiles d’énergie. Paschimottanasana est une posture qui recharge en énergie. Paschimottanasana :
- permet d’emmagasiner, de concentrer, Prana Vayu, l’énergie vitale absorbée.
- stimule Apana Vayu, l’énergie d’élimination et d’ancrage.
- active Samana Vayu, l’énergie digestive qui siège au niveau du nombril.
Le ralentissement et l’approfondissement de la respiration va améliorer la circulation sanguine, stimuler la digestion, l’assimilation et l’élimination. La respiration Ujjayi participe à une meilleure concentration et à l’équilibration des Doshas.
Pascimottanasana contribue à assouplir les muscles et les articulations. C’est une posture qui permet d’insister sur la région du bassin et du côlon, et d’assouplir les hanches. Paschimottanasana invite à restreindre les mouvements, ce qui est très favorable à la concentration de l’énergie et du mental. La colonne vertébrale est allongée.
Il importe de la maintenir sur la durée (plusieurs minutes) pour en obtenir tous ses bénéfices et de faire suivre la pratique par une relaxation en Savasana suffisamment longue.
Energétiquement parlant, Paschimottanasana active plus particulièrement les 3 premiers Chakras. David Frawley explique qu’ils reflètent d’avantage les fonctions physiques et vitales et chacun d’entre eux a une relation spécifique avec un Dosha :
- Manipura Chakra est en relation avec Pitta (confiance en soi, réalisation extérieure)
- Svadhisthana Chakra est en relation avec Kapha (créativité, amour, monde intérieur)
- et Muladhara Chakra est en relation avec Vata (stabilité, structure : points faibles de Vata).
Enfin, il est important de signaler que l’état d’esprit de la pratique influe sur les Doshas. L’intention mise, le Bhavana, influe directement sur les effets de la posture. Chaque posture peut être accompagnée d’un Drishti (regard intérieur), d’un Bija (son répété mentalement), de Mudras/Bandhas, qui vont aussi influencer les Doshas.
Ainsi adaptée, avec un Bhavana spécifique, Paschimottanasana peut tout à fait être pratiquée par une constitution Kapha sans « aggravation ».
Cette analyse mériterait d’être poursuivie… mais l’espace me manque. En espérant que cette courte introduction aura stimulé l’intérêt du lecteur.
Namaste.
Michèle Lefèvre
Article écrit pour FIDHY Infos
Merci pour cet article passionnant! On attend la suite, le développement et on en veux d’autres ainsi ou alors un stage un jour j’espère 🙂
Merci, Namasté
Lumineux Michèle votre article qu’il m’a fallu lire deux fois pour en comprendre les finesses. J’ai bien aimé les correspondances entre les doshas et les chakras du bas : je suis un vata prédominant confirmé ! La pire des configurations, mais ça ne m’étonne pas de moi !!
J’ai le livre de Frawley qui est passionnant et demande plusieurs lectures.
Je publie ci-après un commentaire sur sarvangasana, issu de ma propre expérience, qui démontre que tous les dires se complètent et s’enrichissent les uns, les autres.
À l’instar des quatre Orients, le cerveau se divise en quatre parties. Nous allons nous intéresser aux zones frontales et postérieures. Le front est le siège de la pensée, la pensée mentale, autonome, celle dans laquelle nous enracinons notre compréhension du monde par l’intermédiaire des sens tournés vers l’extérieur. Le mental-pensée nous éclaire certes, mais d’une manière indirecte, intermédiaire, duelle, par le symbole, le concept, la métaphore. C’est une « lumière-d’en-bas », comme celle du soleil.
Le front correspond au cerveau intellectuel, opératif, analytique, celui qui divise. C’est le cerveau du sud-feu qui nous tourne vers l’extérieur. L’« inverse », l’« opposé » devient le cerveau occipital, celui de l’hiver-nord, l’intérieur-centre du non-mouvement, où plus aucune pensée ne vient interférer avec le monde. C’est le cerveau de la contemplation directe, en face-à-face, de la lumière non-duelle, celle que j’appelle la « lumière-d’en-haut » où toute pensée, c’est-à-dire toute division est abolie entre un « soi-sans-objet » et l’univers. C’est là justement où ce « soi-sans-objet », la Pure Conscience (?), Brahman (?), devient l’univers même. D’ailleurs, le centre de la vision du cerveau est localisé dans l’occiput, dans la zone dite primaire, dans le sens premier évidemment, pas dans le sens dévalorisé d’inférieur. J’irais plus loin : c’est le centre de la vision de la lumière primaire, la « lumière-d’en-haut ».
Le mouvement de pashimotanasana est ancré dans la ceinture pelvienne qui sert de pivot à l’étirement de la colonne vertébrale du bas, le commencement, vers le haut, la fin. L’ouest se déplace de son commencement, l’été-sud-feu qui est un mouvement d’extériorisation, vers sa fin, l’hiver-nord-eau qui est un mouvement d’intériorisation, le non-mouvement devrait-on dire. Analogiquement, le sud-feu est donc en bas, dans le pelvis, et le nord-eau, en haut, dans la tête. Quand cette posture est décrite en s’appuyant sur des photos, l’accent est mis sur la face postérieure et apparente du corps, la face ouest. Mais elle n’est qu’un support, un axe solide sur lequel se meut le souffle à l’intérieur de la face antérieure, cachée. C’est la face est, « inverse », « opposée », qui se déplace de haut en bas ; c’est-à-dire de son commencement, l’hiver-nord, vers sa fin, l’été-sud. Et c’est là, dans le caché, que le travail alchimique de transformation de la conscience, s’opère. Quand on abaisse le souffle, on pousse le feu de manipura, vers l’eau de svadhisthana, vers la terre de muladhara. On pousse le feu vers le bas, afin qu’il procède à la cuisson alchimique, avec l’eau, dans le chaudron terrestre. C’est l’unification-mélange-transformation qui va révéler ce qui est caché.
Et quand on pousse et pousse le feu en bas, on abaisse celui du cerveau frontal, ce qui veut dire qu’on réduit l’inflation de la pensée. Du même coup, l’hiver-eau du cerveau occipital, celui de la non-pensée, est libéré ; c’est-à-dire que la conscience passe de la zone antérieure frontale à la zone postérieure occipitale.
On aimerait que la tête soit habituellement le siège du feu, du feu spirituel non-duel, celui de la « lumière-d’en-haut », la conscience-sans-objet. Mais elle l’est figurez-vous ; elle l’est, toutefois, d’une manière cachée, camouflée par le feu mental, matériel, du front, celui de la « lumière-d’en-bas ». Il faut dissoudre celle-ci, c’est-à-dire mourir à soi-même, pour qu’apparaissent enfin celle-là.
Toute la question est maintenant d’arriver à supporter ce que va révéler la cuisson alchimique, qui nous invite à pénétrer dans notre hiver-nord-eau d’avant l’apparition de la « lumière-d’en-haut ». En effet, il y a un espace/temps intermédiaire entre la pénétration dans notre « hiver d’avant » et l’apparition du feu spirituel. On ne peut pas en dire plus, c’est une expérience singulière que chacun doit vivre dans la solitude et le silence de son être.
L’étirement de l’ouest n’est rien d’autre que l’expression apparente d’une réalité beaucoup plus subtile et profonde qui se passe sur la face est cachée du corps, dont seulement le produit remonte sur sa face ouest.
Et je ne vous parle des postures inversées qui sont autant lourdes à digérer. Digérer matériellement, psychiquement : si le souffle-prana est une moissonneuse et la « lumière-d’en-haut » une pelleteuse, le feu de manipura est bien un centre de cuisson-transformation.
Merci Rachel et Robert pour ces commentaires.
Merci Robert pour cette analyse et ce partage d’expérience que je trouve vraiment intéressant. On sent dans votre texte que vous êtes passé par le creuset de la pratique.
Belle journée à tous,
Michèle
Bonjour. J adore votre blog. Je débute ( 2 ans de yogz) mais c est une révélation. Je ne saisis pas les subtilités de tous les articles mais petit à petit des pièces s’accrochent les unes aux autres. Bref je me sens mûrir à une pratique de plus en plus riche.
La pince est un asanas qui m intrigue et dans lequel mon corps n’entre pas. J ai beau essayer je ne ressens pas tout ce que vous décrivez. Je ne sais pas comment faire. J ai mes hanches plutôt fermées malgré une pratique quotidienne.
Y a t il des postures intermedaires à effectuer avant d arriver à l asana complet?
Belle journée à vous
Bonjour Michèle,
Ca fait vraiment plaisir de trouver un blog qui va en profondeur dans la pratique du yoga.
Qu’entendez-vous par Bhavana ? Ca veut dire que lorsque je suis engagé dans une posture physique, je m’engage dans une attitude mentale/psychique/émotionnelle et la réalisation des deux (posture physique et mentale/bhavana) constitue un Asana ?
Bonjour Mehdi et merci pour le petit mot 😉
Bhavana en sanskrit signifie « création mentale », « méditation », « contemplation » ou encore « pratique ». Il s’agit, en effet, d’engager une intention ou attitude mentale dans une posture. Cela peut être par exemple:
– L’intention de relâcher toute tension, ou encore
– le fait de prêter une totale attention à la sensation corporelle, donc d’habiter le corps, d’y être pleinement présent, ou encore,
– la présence au souffle : son écoute, son mouvement, ou encore,
– la concentration mentale sur un point: par exemple Nabhi, le nombril ou Bhrumadhya, le point entre les sourcils, … ou encore
– la répétition mentale du Om,
– etc.