La pratique du Yoga concerne chaque instant de la vie et les Yoga Sûtra constituent une matière première précieuse. Les Yoga Sutra traitent des huit étapes sur le chemin du Yoga.
Le Yoga selon Patanjali
Les Yoga Sûtra définissent le Yoga comme « la suppression ou l’annihilation (Nirodhah) des tourbillons ou mouvements (Vritti) de la substance mentale (Chitta) ». Le Yoga n’est donc rien moins que la suspension des activités mentales.
Cette définition peut sembler incongrue au premier abord, si nous la mettons en regard du point de vue, bien différent, de Descartes qui nous dit : «Cogito, ergo sum» («je pense, donc je suis»), dans Les Principes de la philosophie, article 7 (1644). Selon la démarche rationnelle de Descartes, l’arrêt des pensées, c’est la non-existence, la mort…
Le mental
Pourquoi dès lors arrêter la pensée? Avant tout pour la dépasser. La pensée est le produit de nos «organes» mentaux. Or nos possibilités de compréhension sont limitées, faillibles, et la pensée ne nous permet pas d’accéder à un niveau de conscience supérieur.
Le phénomène mental, incessant, peut être comparé à un «moteur» qui tourne du matin au soir. Il grave en nous un disque d’imprégnations: émotions, pulsions, événements, raison et rêveries. Le mental nous conditionne selon nos expériences, ses propres tendances et limites. Ses mécanismes nous permettent de faire de grandes choses dans le quotidien, mais nous contraignent aussi.
Le mental est indiscipliné, il est leurré par les sens; et la raison est une faculté limitée. Le mental voile le Soi, notre véritable nature, qui se situe au-delà des confins de la compréhension.
Arrêter la pensée, c’est la «mort» des entraves du mental et du petit «moi»: Patanjali déclare que c’est la condition sine qua non pour naître à la conscience supérieure et à la Connaissance. Pour y parvenir, le Yogi étudie le mental (Manas). Il va patiemment observer son activité et progressivement le calmer. L’Ashtânga Yoga, les huit membres ou étapes/piliers du Yoga lui offre les outils.
Il va apprendre l’introspection, la concentration, puis la suspension des pensées. Lorsqu’il y sera parvenu, il sera alors capable d’explorer le Réel par la pure conscience contemplative. Il apprendra à abandonner son attachement au monde, puis à s’ouvrir à la libération totale.
Le Yoga aujourd’hui
Aujourd’hui, nous évoluons dans un environnement économique très pragmatique. Les individus sont happés par cette société où ils se doivent de s’insérer, s’ils veulent vivre selon les standards préconisés par les médias. Ils sont bombardés d’informations, où qu’ils aillent, quoiqu’ils fassent.
Ainsi, leur mental est en permanence sur-sollicité et en effervescence. Nous vivons à l’ère du téléphone mobile, d’Internet, des réseaux sociaux, de la globalisation et de la compétition commerciale et individuelle. Il faut aller toujours plus vite pour rester dans la course…
Et plus l’esprit est sollicité mentalement, moins l’individu est sensible au monde subtil, moins il est centré. Toujours stimulés et portés de l’avant, les êtres humains en arrivent à ne plus sentir leur suractivité, leur fatigue et les signaux de leur propre corps, tout excentrés mentalement qu’ils sont.
Nous sommes à des années lumières de Patanjali, … qui lui-même essayait de calmer le jeu … à son époque!
Que Patanjali peut-il nous apprendre aujourd’hui?
Comment peut-il nous aider à cheminer?
L’Ashtanga Yoga de Patanjali offre de nombreuses clés. Elles ont été, et sont, encore et toujours, d’actualité. L’approche de Patanjali est destinée aux consciences en cheminement vers plus d’éveil… et heureusement, elles sont nombreuses en ces jours.
Quelques articles de ce blog ont déjà abordé les points suivants:
Bonjour
Que me conseille tu comme livre pour approfondir les textes de Patanjali, j’ai le livre de poche yoga sutras d’Albin Michel,
merci
Bonjour Michèle et tout le monde !
Une question me turlupine. Quel est le lien entre les yoga sutra de Patanjali et les sutra du Hatha Yoga (Gheranda…) ? Pourquoi fait-on plus référence aux yoga sutra de Patanjali qu’aux textes classiques du Hatha Yoga alors que ceux-ci semblent clairement adressé à la pratique des asanas ? Dans les écoles qui viennent de Krishnamacharya, la prière d’ouverture de la pratique est adressé à Patanjali. Bref, je suis un peu dans le trouble… Ce qui n’enlève en rien l’intérêt des sutra !
Sinon, pour répondre à Claudine, j’ai la traduction de Bernard Bouanchaud qui me semble très bien (je ne l’ai pas comparé à toutes les traductions et commentaires existants !).
Merci beaucoup et bonne journée
Antoine
Bonsoir Claudine,
En fait, j’aime bcp la traduction de Françoise Mazet (le livre que tu as déjà): il est compact, mais cependant complet. Le fait qu’il soit court permet de conserver nue vue d’ensemble. C’était donc la meilleure première approche, à mon point de vue.
Il y a tellement de traductions commentées des Yoga Sutra. Difficile d’en recommander une. Surtout que je ne suis pas sanskritiste.
Les Yoga Sutra de Desikachar sont épuisés. Il y a aussi la Science du Yoga de Taimni. J’ai lu les commentaires de BKS Iyengar et de Frans Moors. Il y a ceux de B. Bouanchaud effectivement.
Pour ma part, j’ai étudié la première fois avec les commentaires de Swami Vishnu-devananda, avec qui j’ai commencé l’étude du yoga.
Pour ma part, j’aime prendre une nouvelle traduction avec ses commentaires et relire les Yoga Sutra comme un livre neuf à chaque fois…
Bonsoir Antoine,
En fait, les yoga sutra sont souvent étudiés au début, dans les écoles de hatha yoga. La hatha yoga pradipika, la shiva samhita, la gheranda samhita, etc. sont étudiés ensuite.
Comme je m’adresse à tous sur le blog, j’ai commencé avec les yoga sutras. Ils donnent une vue d’ensemble et l’étendue de l’étude et de la pratique.
Les autres textes, même si plus ésotériques, et techniques, sont extrêmement intéressants pour le pratiquant de yoga. Et je me réjouis d’y consacrer aussi un peu de temps et d’énergie, par la suite.
Merci Michèle pour ta réponse.
Je cherche toujours à comprendre le lien entre les sutra de Patanjali et les autres. Donc, de ce que je comprends de ta réponse, les yoga sutra de Patanjali sont plus « généralistes » et étudiés au début. Les textes dédiant le Hatha Yoga sont, quant à eux, plus spécifiques. C’est cela ?
Une autre possibilité pour comprendre est aussi la filiation. Patanjali s’inscrit dans la philosophie indienne du Samkhya et donc de la lignée des Véda et des Upanishad. Tandis que les textes du Hatha Yoga semble ne pas appartenir à la philosophie indienne orthodoxe. Je cite wikipédia : « L’expression rāja yoga est un rétronyme, introduit au xve siècle dans le Haṭhayoga-Pradîpikā de Svātmārāma (XVe s. ?), afin de distinguer ce type de yoga du haṭha yoga qui n’appartient pas à la tradition de la philosophie indienne orthodoxe ou astika. »
D’où ma question, quels sont leurs liens, leurs différences ?
Bonjour Antoine,
J’ai répondu un peu rapidement la première fois et bien que je ne vais pas pouvoir entrer dans le détail cette fois-ci, pour cause de temps, voici plus d’infos sur le sujet.
En effet, il y a à la fois des liens (mêmes sources: le Samkhya, notamment, très important pour bien comprendre le hatha yoga et la « remontée du fleuve » des yogis, qui sont tels les saumons explorant les 5 éléments de la matière grossière, l’énergie, le mental, l’intelligence, pour remonter vers le pure conscience, commune à toute la création) mais il y a aussi des différences essentielles.
Les Yoga Sutra posent des bases du yoga (les 8 piliers notamment). Ils proposent une analyse de notre fonctionnement mental/psychologique, compréhension nécessaire pour aller vers la réalisation, Kaivalya. Les YS proposent un chemin ardu vers la réalisation par le yoga. Patanjali y décrit les différents états de supra-conscience et met en garde contre les Siddhis (pouvoir supranormaux). Les techniques sont peu expliquées. On y prône la vertu, l’ascétisme et le renoncement au monde. Ce chemin n’est pas accessible à tous: on dit qu’il est destiné à des êtres spirituellement prédisposés. Il est de nature profondément ascétique et méditative. On le dit orthodoxe (Vedas).
Les techniques de Hatha Yoga ont vu le jour pour rendre le yoga accessible à tous et à toutes, sans distinction de sexe, d’âge, de situation (moine ou père de famille p.ex.) ou de caste.
La Hatha Yoga Pradipika et les autres textes tantriques font partie de la réaction tantrique, un mouvement qui se veut profondément réactionnaire et contre l’orthodoxie védique. C’est un mouvement « révolutionnaire » en quelque sorte.
« Tantra » signifie « étendu ». Les textes expliquent de façon étendue les techniques, afin que celles-ci puissent être apprises par tous.
La réalisation est désormais accessible à tous, ici et maintenant. Le terrain d’exploration et de travail en vue de l’illumination est le corps.
Il n’y a plus d’interdits védiques. Il n’y a plus forcément la nécessité de l’ascèse. Le tantrika explore la réalité sous tous ses aspects. Par exemple, la sexualité n’est pas mise de côté (or Brahmacharya est l’une des 10 vertus essentielles selon Patanjali, pour avancer sur la voie du raja yoga). Mais précisons que la continence est prônée à certains moments par plusieurs écoles tantriques.
Le bon et le mauvais ne sont que deux aspects d’une même réalité. Dépasser les conditionnements, les interdits, les paires d’opposés, les raga-dvesha (attractions-répulsions), cela est nécessaire pour ouvrir la voie de la conscience. Éveiller l’énergie universelle au sein même du corps (kundalini), nettoyer les corps physique et subtils par de multiples pratiques, ce sont certaines des innombrables voies du tantra vers l’illumination.
Le corps humain est une réplique de l’univers. Le tantrisme a largement approfondi l’étude du corps subtil, celle des chakras, nadis, etc. Les techniques méditatives, posturales, du souffle, les visualisations (mandalas, yantras, méditations, nada sadhnana (sons bijas)…) sont développées par les yogis éveillés et proposées aux disciples. Les Siddhis sont parfois largement vantés.
La Hatha yoga Pradipika est la « petite lumière » sur le hatha yoga. Elle donne pistes et possibilités d’atteindre l’état de yoga à ceux pour qui « raja yoga » (le yoga de Patanjali) n’est pas encore accessible maintenant, c’est l’auteur qui le dit en tout début de texte:
« I.2. Après avoir rendu hommage à la Conscience par l’intermédiaire de son propre guru, Le Yogi Svâtmârâma expliqua la science du Hatha-Yoga dans le seul but de pouvoir atteindre le Râja-Yoga.
I.3. Svâtmârâma, compatissant, offre cette petite lumière sur le Hatha à ceux qui errent dans l’obscurité produite par la multiplicité des opinions car ils ne connaissent pas le Râja-Yoga. »
HYP, chapitre I.
Bon, finalement, j’ai pris plus de temps que prévu ;o)
Je tâcherai de retrouver 2-3 autres textes que j’ai déjà écrit sur le thème du tantrisme pour mieux étayer. Ce sera pour bientôt!
Namaste
Merci Michèle pour cet article !!!
C’est bon de nous rappeler tout cela.
Très bonne fin de journée.
Merci Michèle pour toutes ces précisions fortes intéressantes.
Namaste 🙂
Merci Michelle pour cet excellent résumé et les commentaires qui ont suivi.
les Yoga Sutra sont toujours d’actualité, c’est certain puisque malgres tout nos progres scientifiques et technologiques, nous n’avons pas tellement évolué dans la Conscience. Nous sommes toujours sous l’emprise de nos émotions et du mental instable qui est lui-même à la solde de l’inconscient…
Mais la transformation se fait individuellement,( et là je fait réference à l’article récent sur le vrai voyage qui ne peut être qu’intérieur).
Le Yoga Sutra, à travers les siècles, nous donne une carte pour le voyage vers le Samadhi, la realisation de notre vraie nature, la Conscience supérieure et universelle.
Ce texte parle assez peu des postures, ce qui montre que ce n’est qu’une étape qui mêne plus loin: la pratique de la méditation qui mene elle aussi plus loin…
C’est un peu ce qu’on a tendence à oublier en occident quand on réduit le Yoga à son aspect « Asana, Pranayama » à cause de leurs effets sur la santé et l’équilibre. Ce qui est bien, mais c’est oublier ce que « Yoga » nous propose !
Bonne pratique à tous
Namaste
OM
J.L.