Le Yoga et son origine

Le Yoga est l’un des six Darshana, ou «points de vue», ou grandes écoles philosophiques de la pensée indienne. Voici très brièvement son intégration dans la philosophie indienne et son histoire.

Darshana

Ces six écoles de pensée sont souvent présentées par paires:

• Nyâya, étude de la logique et des règles; et
• Vaisheshika, explication du monde par l’atome et la cosmologie;

• Sâmkhya, système dualiste de connaissance, qui dénombre les principaux constituants de l’Univers et de l’Homme ; Le Sâmkhya distingue Purusha – principe unique, conscience pure, non différenciée, témoin omniprésent et éternel, non agissant et non dépendant – et Prakriti – la Nature primordiale et multiple, racine de toute la Manifestation, à l’oeuvre dans l’univers -; et
• Yoga, considéré comme le point de vue pratique du Sâmkhya; le Yoga comporte la méthode et les outils qui visent à apporter non seulement la santé, le bonheur et l’harmonie, mais encore l’unification de l’être sur tous ses plans: corps, mental, et esprit ou âme ; in fine, le Yogi expérimente en lui l’état d’Union de Shakti et Shiva, qui représentent dans la terminologie du Yoga, la Prakriti et le Purusha du Sâmkhya;

• Pûrva Mîmâmsâ, ou exégèse première des Veda, traite des rituels, des sacrifices et du Dharma (le sens du devoir, le sens de la vie); et
• Uttara Mîmâmsâ (ou Vedânta), traite de la dernière partie des Veda (Upanishad), soit la connaissance de la Réalité Suprême. Vedânta signifie littéralement la fin des Veda, c’est-à-dire l’essence ultime des Veda.

Origines et évolution

L’origine du Yoga est indienne. Le mot «Yoga» vient de la racine sanskrite «jug», d’où dérivent les mots français «joindre», «jonction» et «joug». Le Yoga contient donc l‘idée d’union, ou unification intérieure.

Le Yoga a probablement vu le jour il y a plus de quatre mille ans. A cette époque, il était avant tout une discipline spirituelle. La transmission, qui se faisait de maître à disciple, était purement orale, dans la tradition du Gurukula.

Les Upanishad, textes de sagesse, qui apparaissent dès le 7e siècle avant J.-C., parlent de l’expérience de la méditation et du souffle. Ce sont les premiers écrits qui expriment des expériences mystiques et qui évoquent le lien entre le corps et l’esprit. Les adeptes d’alors ont perçu, dans cette discipline spirituelle, une source de calme et de santé. Ils ont commencé à développer des mélanges d’exercices spirituels, intellectuels et physiques, fondés sur une philosophie.

Le Yoga se répand plus largement en Inde. Le terme «Yoga» désigne toujours des formes de discipline qui procurent l’harmonie intérieure, l’union sur les plans du corps, de la psyché et de l’âme, ainsi que l’union des plans individuel et universel: l’individu vit, dès lors, l’autre et l’univers comme un tout. L’individualité fait place à la conscience universelle.

Le Yoga conduit à la connaissance par l’expérience directe de la Vérité. Cette dernière est invisible, parce que cachée à nos yeux par le monde des phénomènes. Le Yoga recherche, in fine, la libération du Samsâra, le cycle des morts et des renaissances. Samsâra conduit inévitablement à Dukha, la souffrance ; alors que Yoga conduit à l’union de l’âme individuelle avec l’âme universelle.
Entre le 2e siècle avant J.-C. et le 5e siècle après J.-C. (la datation est contestée), Patanjali* retranscrit les fondements du Yoga, léguant ainsi les connaissances acquises par les Yogi dans ses Yoga Sûtra, qui décrivent le système du Raja Yoga (Voie royale) ou Ashtânga Yoga, le Yoga des huit membres: Yama (codes moraux et règles de vie en société), Niyama (observances personnelles), Âsana (postures bénéfiques pour la santé et le mental), Prânâyâma (contrôle du souffle, techniques de respiration), Pratyâhâra (détachement de l’esprit du monde des sens et de la matière), Dhâranâ (concentration), Dhyâna (méditation), Samâdhi (dernière étape du cheminement spirituel du Yogi, la «libération»).

Les Yoga Sûtra deviennent la référence sur laquelle se construisent par la suite d’autres voies. Le Yoga se diversifie, proposant ainsi aux chercheurs des chemins ou «Mârga» différents, adaptés aux prédispositions de chacun. On trouve notamment le «Karma Yoga», ou Yoga de l’action juste qui propose de vivre, ses devoirs, dans un esprit désintéressé et heureux. Le «Bhakti Yoga», ou Yoga de la dévotion, rapproche de la divinité, par des pratiques et par une pensée constante: le dévot s’en remet à la grâce du Seigneur. Le «Jnâna Yoga», ou Yoga de la connaissance, vise le détachement, à partir de la prise de conscience de l’illusion du monde phénoménal et de l’interrogation «qui suis-je».

Je ferai aussi un bref historique du Hatha Yoga, voie tantrique la plus développée en Occident, proposant d’innombrables pratiques en vue de l’état de yoga.

En guise de conclusion

Les Yoga Sûtra définissent le Yoga comme l’art d’annihiler (Nirodhah) les mouvements ou vagues (Vritti) du mental (Chitta). En d’autres termes, le Yoga est un ensemble de pratiques, corporelles, psychiques, mentales, spirituelles, visant à atteindre l’état d’Union, ou «libération». Cet état est difficilement explicable, car il est au-delà des états de conscience habituels, que sont l’état de veille, l’état de rêve et l’état de sommeil profond. Il correspond à un état de conscience « modifié » (comme on dit souvent), correspondant à une conscience totale, unifiée, pure plénitude, pure béatitude. Il y a libération lorsque cet état de conscience supérieure se maintient en permanence.

Le Yoga est une philosophie pratique, un état d’esprit. Il offre un ensemble d’outils millénaires et pourtant toujours efficaces, de recherche intérieure. Il se construit dans une pratique régulière. Il peut devenir un mode de vie en soi.

Le Yoga évolue au fil du temps et selon les cultures. Son essence est indépendante des phénomènes de mode, quand bien même on lui colle des d’étiquettes, telles des marques de fabrique: le Yoga reste intemporel et universel.