Assidue comme je l’étais dans mes jeunes années, j’ai travaillé certaines postures classiques difficiles, parfois plus que je n’aurais dû. Je l’ai fait en respiration, pensant ne pas forcer. Mais au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte, par de petites douleurs, que j’avais atteint « le mieux de ce que je pouvais » dans telle ou telle posture. Travailler plus sur les articulations n’était pas favorable pour moi et il me fallait accepter de ne pas chercher à améliorer la posture plus encore, sous peine de « m’abîmer »… ce qui n’était pas le but recherché.
L’évolution du corps à travers les âges
Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris qu’il existe des différences entre le corps occidental et le corps indien (… de l’indien vivant traditionnellement).
Nos habitudes occidentales ont influencé notre structure physique: notre squelette lui-même, s’est modifié avec notre mode de vie.
Noëlle Perez-Christiaens et le Docteur Louis Creyx expliquent ces modifications aux cours des siècles, dans leurs livres. Je pense notamment à un livre au titre provocateur, intitulé «Attention, le Yoga peut être dangereux pour vous».
Pendant la préhistoire, le corps était plus exercé et habitué à bouger, de façon parfois même acrobatique. L’homme a vécu accroupi longtemps encore après cette époque. Il paraît que le squelette s’est notablement modifié dans la première moitié du 2e millénaire, lorsque l’usage des bancs et des chaises s’est généralisé dans toutes les couches de la population. Dès lors, les angles du plateau tibiale et de la cheville se sont modifiés: ne subissant plus les pressions nécessaires à la position accroupie, ils se sont adaptés à l’usage fait de notre corps, et donc à la posture assise sur une chaise.
Le mode de vie et le maintien de nos contemporains s’est encore plus sensiblement modifié au cours des 150 dernières années. Avez-vous regardé les photos de vos arrière, voire arrière, arrière grands-parents? Leur port droit et majestueux?
Aujourd’hui de manière globale, la sédentarité s’est généralisée. Une grande partie de la population bouge peu et passe beaucoup de son temps assise sur des sièges, … et souvent mal assise. Le résultat est que le maintien est devenu le plus souvent mauvais: menton, nuque en avant, épaules remontées, dos voûté, bas du dos abîmé, démarche lourde.
Le corps peu musclé se recroqueville dans des positions parfois carrément «avachies». Parallèlement, des tensions dues au stress sont de plus en plus présentes et se cristallisent dans les zones du corps mal positionnées, sous des formes plus ou moins douloureuses.
Répercussion sur la pratique du yoga
Le Yoga s’est développé en Inde sur plusieurs millénaires, dans un contexte social et culturel différent. Les Asanas visaient la détente musculaire par l’étirement, à partir de positions relativement complexes. D’origine tantrique, le yoga des débuts était élitiste. La nature même des Asanas permettait de sélectionner les candidats à l’apprentissage du yoga. Tout le monde ne pouvait pas s’improviser yogi. Le travail et la persévérance étaient de mise…
Pour en revenir aux différences physiques, on peut dire que le corps de l’indien (…quoique tout change vite aujourd’hui là-bas!) est resté plus proche de sa structure originelle d’il y a 2000 ans, que celui de l’occidental.
A cause de ces différences, beaucoup de nos contemporains occidentaux peinent à pratiquer certaines postures classiques. Je prendrai ici un seul exemple: la posture classique de Malasana qui illustre cet article. Parce que nous vivons assis et ne pratiquons quasiment plus la position accroupie.
Ceux qui sont à l’aise dans cette posture constituent une minorité, mais ils existent. Probablement ont-il joué accroupis pendant leur petite enfance. Ce type de souplesse se travaille avant 6 ans, paraît-il.
Je vous laisse deviner si c’était ou non mon cas (c’est assez flagrant sur ces photos 😉 ).
Dans la posture de Malasana, la posture de la guirlande, on est accroupi pieds joints et les talons sont au sol. Les genoux sont écartés et le dos descend entre les genoux. Le bassin occidental n’est souvent pas assez ouvert et, surtout, les chevilles ne permettent souvent pas de plier les jambes, sans soulever les talons.
L’enseignement du Yoga aujourd’hui en Occident s’adapte nécessairement à la condition physique des contemporains, grâce à des aménagements de postures et à des variations.
Les proches de B.K.S. Iyengar ont beaucoup œuvré dans ce sens, pour aider à un travail adéquat sur le corps et éviter les mauvaises compensations. Celles-ci consistent à développer une hyperlaxité sur une ou plusieurs parties du corps pour compenser un manque de souplesse dans une autre région. Ce type d’erreur peut causer des dégâts à terme, en surexposant certaines articulations qui risquent l’accident (par manque de protection) ou le vieillissement prématuré.
Sur ce… bon yoga à tous!
Texte inspiré de ma lecture en 2007 de « Attention, le yoga peut être dangereux pour vous!: Pathologie du yoga », Noëlle Perez-Christiaens, Édition : Institut B.K.S Iyengar, 1980
Source de l’image: http://yogachola.de/praxis-inspiration/2002-ashtanga-intermediate/01-Yoga-Malasana.html
Merci Michèle pour cet article fort utile!
Ce qui est aussi difficile pour un occidental, c’est d’accepter tout simplement la condition de son corps et de travailler progressivement… Mais c’est petit à petit qu’on gagne en souplesse autant dans le corps que dans la tête… 🙂
Bien le bonjour Michèle. J’espère que tout va comme tu veux 🙂
Cet article me pale beaucoup. je fais une pause d’une semaine là. Cela fait 3 mois que je pratique quasi 1 H à 1H30 de yoga tous les soirs. Je fatiguais donc « pause ». Je pense acheter le livre dont parle ton article car ça me semble important. Le yoga doit être en adéquation avec le corps de celui qui le pratique. L’occidental que je suis et qui veut être fort, se dépasser, était en compétition avec lui-même lors de certaines postures et quelques fois sans même s’en rendre compte. Le yoga est tout autre pourtant et j’avance vers l’acceptation de mes limites et la discipline « juste » se fait entrevoir petit à petit. Merci Michèle, je note le titre du bouquin et me le mets sous le coude 😉
A bientôt. Bon week. OMMM; Cyril
Merci Olga. C’est le travail de toute une vie!
Bonjour Cyril.
Tout va bien, je te remercie. Pleine saison des stages… et sur le départ, à nouveau.
Les pauses font du bien. Les pauses Asanas peuvent aussi permettre de pratiquer plus le Pranayama, les Mudras, la méditation, etc. Il s’agit parfois juste de moins faire et non pas d’arrêter. Du moins, c’est un vécu que je te partage…
Je te souhaite bonne continuation et salue ton enthousiasme toujours présent.
OM OM
Michèle
Bonjour,
Je vous lis très régulièrement, j’ai commencé le yoga en septembre et votre blog complète mes débuts dans cette découverte!
Je réagis à cet article car il me parle, en effet mes chevilles et mes genoux me font comprendre des choses… mais quand je vois mon fils de 11 ans qui peut mettre ses pieds derrière la tête, je me dis que tout n’est peut-être pas joué pour les futures générations 😀 Il a très certainement une prédisposition « souple » mais petit, il n’était assis qu’en lotus ou en tailleur, dans n’importe quelle chaise!! Sa souplesse l’invitait-elle à cette posture ou cette posture a-t-elle (en partie) entretenue cette souplesse? Qui de l’œuf ou de la poule…
En tout cas, aujourd’hui, je l’invite à s’installer comme il le souhaite sur sa chaise, en lotus s’il le souhaite, je le laisse « s’exprimer » en quelque sorte !
Merci à vous pour tout ce partage !
Bonjour Michèle. Merci beaucoup de ta sollicitude. Oui en fait je n’arrête pas vraiment puisque mon esprit médite avec certaines lectures et sur certaines paroles de sagesse ou de bon sens comme celles que je trouve sur ton excellent blog. je pratique également la respiration consciente mais de manière moins « formelle » et éprouve le manque d’exercices finalement.La Voie ne me quitte plus cependant 🙂 et je rends grâce pour cela. Bien à toi et aux chercheurs…*
Bonsoir Lisa,
Merci pour ce commentaire intéressant.
J’ai déjà pu constater que dans une famille tout le monde n’est pas égal en matière de souplesse.
Il semble avoir des prédispositions au yoga ce petit 😉
Souplesse naturelle ou acquise? Je pense comme vous qu’il y a un petit peu des deux: sa souplesse naturelle l’invitait au lotus… qui, lui, entretenait sa souplesse.
Vous êtes un maman tolérante: il doit apprécier car on est tellement bien assis en lotus ou en tailleur sur une chaise!
Bonsoir Cyril,
J’imagine bien que tu n’arrêtes pas vraiment… on sent en toi le « feu sacré du yoga » à te lire 😉
La Voie est immense
Namaste
Bonjour Michèle.
Merci beaucoup, je prends tes mots comme des compliments !
Très bonne journée à toi dans La Voie 🙂 !
Cyril