« Le monde contemporain tend à apparaître comme un monde de foi faisant confiance et prenant des risques. En pratique, cette foi revendiquée demeure chargée d’équivoque, car un point essentiel n’a pas été réglé. Il s’agit de la peur.
Jetons un regard autour de nous, tendons l’oreille. C’est continuellement sur le ton de la peur qu’il est question du risque comme de la confiance. On vante le risque, non par amour du risque, mais par réaction contre le besoin de confiance, jugé trop frileux, trop sécuritaire, trop conservateur. Et l’on vante la confiance, non par amour de la confiance, mais par peur du danger, de la passion, des extrémistes.
Il faudra, un jour, réfléchir à la confiance. On s’apercevra qu’elle n’est pas ce que l’on croit. Quand on a confiance, on ne se force pas, on ne joue pas à se dire confiant. On se moque d’avoir confiance. On n’y pense pas. Cette insouciance a une raison. Elle vient de l’intérêt que l’on porte à son projet. Si l’idée que nous défendons et que nous vivons a une importance telle à nos yeux, qu’elle en vient à passer avant la pensée de nous-mêmes, nous connaîtrons ce que veut dire la confiance. Nous comprendrons par là même ce qu’aimer veut dire. »
Bertrand Vergely
La foi, ou la nostalgie de l’admirable, Bertrand Vergely, Albin Michel, Espaces libres, 2002