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Au-delà de son impact évident sur la santé, l’engagement dans une pratique régulière du yoga est un chemin d’approfondissement et d’ouverture, qui influe sur les différentes enveloppes de l’être (ou Kosha). Dès lors, l’exploration de chaque Asana devient un champ d’expérience corporel, respiratoire, énergétique, psychique et spirituel.
Le nom de Chakrasana, la «roue», appelé aussi Urdhva Dhanurasana, l’«arc tourné vers le haut», se réfère tant à la forme que prend le corps pendant l’Asana, qu’à l’action de la posture sur les roues d’énergie que sont les Chakra.
Sur le plan physique (Annamayakosha), Chakrasana est une posture d’extension très complète, et donc exigeante : elle étire toute la chaîne musculaire antérieure et développe la souplesse de tous les niveaux de la colonne vertébrale et celle des épaules. Chakrasana renforce le corps, tant les muscles du dos, que ceux des bras et des jambes. Les organes internes sont étirés, compressés et ainsi, stimulés. Le système endocrinien est activé dans son ensemble. Enfin, Chakrasana favorise un bon maintien postural.
La Roue affine la conscience corporelle (pour percevoir exactement où et comment cela se passe) ainsi que la synchronisation haut et bas du corps. Le cœur s’accélère. Chakrasana augmente puissance et vitalité, réchauffe et amplifie le souffle. C’est aussi une expérience d’ouverture, de sensation de dilatation et de légèreté, particulièrement palpable après avoir quitté la posture. L’esprit s’en trouve éclairci. Chakrasana marie stimulation et détente profonde. Il libère l’espace du cœur, qu’il «éclaire» intérieurement et pacifie.
Pourquoi Chakrasana diminue l’excès de Kapha Dosha
La démarche ayurvédique nécessite une prise en main cohérente de sa vie : elle englobe les rythmes, les routines, les loisirs, en passant par la prise en compte des penchants naturels… ou encore des addictions, si petites soient-elles (grignotage, sucre, télévision, internet, penchant pour l’alcool, …). Voir en soi, sans esquiver ce qui dérange, est profondément ayurvédique… et yogique, bien entendu. Cela est Satya, l’engagement dans la Vérité, de soi à soi. C’est une démarche qui requiert une certaine dose d’humilité.
En Ayurveda, conserver ou retrouver l’équilibre des Dosha, c’est la base de la santé et de l’harmonie. Pour en revenir à Chakrasana, les qualificatifs «intensité», «extension», «ouverture», «stimulation», «puissance», «vitalité», «chaleur», «légèreté», «diffusion», «clarté», indiquent que la posture contribue activement à dissiper un excès de Kapha.
Kapha signifie littéralement «ce qui lie», la force de cohésion. Son élément dominant est l’Eau, et son élément secondaire la Terre. C’est le Dosha le plus stable. Ses qualités sont : lourd, froid, huileux, lent, visqueux, dense, doux, statique. Kapha Dosha se loge tout particulièrement dans la région qui va du sommet de la tête à la poitrine. Ses «sièges» sont : poitrine, poumons, estomac, pancréas, plasma, tissu lymphatique, liquide synovial, nez et sinus, bouche et gorge, glandes salivaires, matière blanche du cerveau et fluide cérébro-spinal. Ses fonctions sont : fabrication, nutrition et soutien des tissus du corps (Dhatu), soutien de la première partie de la digestion, nutrition et régénération en eau des organes des sens, stabilité, lubrification. Un excès de Kapha se traduit par lenteur, léthargie, paresse, confusion, manque d’entrain et de motivation, excès de mucus, digestion lente, prise de poids facile, sommeil excessif ou lourd.
Sur le plan psychique (Manomayakosha) Kapha est introverti de nature, enclin à l’inactivité et/ou à la tristesse. Il a intérêt à stimuler son quotidien et à dynamiser progressivement sa pratique du yoga. Les postures d’ouverture et échauffantes, telles Chakrasana, vont ouvrir Kapha au monde, l’énergiser, et dégager la zone haute du corps (nettoyage des toxines accumulées et éclaircissement du mental). Chakrasana stimule Agni, le feu digestif, la circulation sanguine et le métabolisme dans son ensemble. C’est une posture inversée, car la tête est plus basse que le cœur. Les inversions stimulent et dégagent le mucus de la région haute du corps et, sur le plan énergétique (Pranamayakosha), elles agissent directement sur Udana Vayu, l’énergie qui monte vers la gorge et la tête. Selon David Frawley, Udana est le Vayu qui a l’action la plus immédiate et salvatrice sur un excès de Kapha.
Chakrasana est une posture énergétiquement complète. Elle influe sur chacun des 5 Vayu, en activant de façon plus spécifique Udana Vayu, dont il a été question plus haut, et Vyana Vayu, l’énergie de diffusion, de circulation vers les extrémités. Chakrasana stimule secondairement les 3 autres Vayu : Prana Vayu, l’énergie vitale absorbée ; Apana Vayu, l’énergie qui descend, la force d’élimination et d’ancrage ; Samana Vayu, la force qui rassemble, l’énergie centripète liée à l’assimilation, qui siège au niveau du nombril.
Pour ce qui est des autres Dosha, Chakrasana met Vata en mouvement et peut l’aggraver substantiellement, si gros déséquilibre. On lui préférera alors des postures apaisantes, comme Pascimottanasana. Chakrasana peut aggraver un Pitta en excès : il conviendra donc de tenir moins longtemps la posture, quitte à la répéter et à limiter l’effort.
Chakrasana et les Chakra
On dit de Chakrasana que c’est la posture de «tous les Chakra», tant son action est globale. La poussée des pieds, parallèles sur le sol, est accompagnée de la prise ferme de Mulabandha, comme support énergétique, et l’engagement léger d’Uddiyanabandha, qui allonge la région lombaire. L’énergie est tirée vers le tronc. Ensuite, elle se répand vers la cage thoracique, la ceinture scapulaire, puis vers le bas, par les bras et les mains qui repoussent le sol, dégageant ainsi le torse.
Chakrasana met en extension rigoureusement toutes les régions du dos et, en cela, agit sur les sept Chakra principaux. Au-delà des plans physiologique et énergétique, la Roue peut mettre en lumière, de façon fugitive et cependant sensible, une résonance psycho-énergétique : c’est une des multiples formes d’expérience du champ de la conscience. Pour rappel, voici une mise en regard non exhaustive «Chakra et psyché» :
Muladhara – Chakra racine: structure, stabilité, sécurité, confiance en soi
Svadhisthana – Chakra sacré: plaisir, lâcher-prise, adaptabilité, satisfaction personnelle, spontanéité, créativité
Manipura – Chakra du nombril: sens du moi, besoin de reconnaissance, affirmation du pouvoir de réalisation
Anahata – Chakra du cœur: amour, compassion, acceptation de soi, gratitude, générosité, équanimité, dévotion, joie
Vishuddhi – Chakra de la gorge: expression, langage et créativité, discernement, véracité, pureté, pont affect/idées
Ajna – Chakra du 3e œil: calme, connaissance objective, rationalité, discipline, imagination, pensée abstraite, intuition, sagesse
Sahasrara – Chakra couronne: dissolution de tout désir, expérience et réalisation du Soi.
Le travail postural a, certes, une action sur la psyché… mais, rappelons que, l’effet des Asana sur les Chakra n’est pas retenu par les traités classiques de Hatha Yoga. Un «vrai» travail sur les roues d’énergie consiste, selon la tradition yogique, en un éveil et une résorption, qui ramènent progressivement le yogi à sa source, le Soi. Le pratiquant, accompagné d’un maître en yoga, entame une ascèse spirituelle rigoureuse, qui inclut exercices et méditations spécifiques.
Le yoga nous prend exactement là où nous en sommes. Que l’objectif soit celui d’un travail physique, psychocorporel, énergétique ou d’éveil, il agit selon l’intention et la «présence d’âme» que nous mettons dans notre pratique. Ainsi, il permet parfois d’opérer de petits miracles, sur les cellules, les tissus, la santé, ou encore sur des couches bien plus profondes et subtiles. Il peut même en résulter une transformation radicale, d’ordre alchimique.
L’essentiel est le chemin… et non le but !
Michèle Lefèvre
…énergie centripète 🙂 OM quand même hein…
Oui Cyril… 😉
Un commentaire à l’image de ce que m’inspire mon article. Il fait partie d’une série « approche yoga & ayurveda », destinée essentiellement aux enseignants de yoga.
C’est un article un peu ardu, à la lumière de son écriture, qui a été longue et délicate. J’ai dû raccourcir mon texte et je trouve qu’il a un peu perdu sa saveur. Bref…
Je me réjouis d’avoir plus temps à l’avenir (dans un an…) pour écrire selon mon inspiration et des thématiques que je choisirai moi-même!
Hé bien moi j’ai trouvé ton article bien intéressant Michèle donc merci :-)J’ai même refait chakrasana suite à sa lecture. Quelle super posture !
Très bon weekend à toi !
Merci Michèle pour ce bel article qui donne envie de refaire Cakrasana…j’ai le souvenir de l’avoir tentée sans grand succès pendant ma formation…je vais y travailler !
Merci Anne pour ton commentaire. Bon yoga à toi!
Avec centripète et Cakrasana, nous sommes paré(e)s. Allez ! 🙂
Merci Michèle pour ce bel article qui vente si bien Chakrasana qu’effectivement, je m’en vais pratiquer cette posture …. ou du moins tenter de la pratiquer !!
Stéphanie
Oui le yoga permet de voir en soi, même quand on a la tête en bas, ou plutôt surtout quand on a la tête en bas : cela permet de changer de perspective.
Ce que j’apprécie dans chakrasana, c’est les sensations de l’enfance : on faisait souvent cette posture enfant, comme la roue, quand nous jouions alors avec notre corps, sans peur de se faire mal. Et je retrouve alors la fraicheur, le regard neuf, la connexion à son corps primaire et immédiate, qui fait du bien. Qui r-éveille 😉
Merci Michèle pour ce bel article !