Comment se déroule le film de mon existence? quelles sont les forces qui l’actionnent? Quelle est ma destinée? Quel est mon rôle dans la société? quels sont mes devoirs? … et qu’est-ce que je ressens profondément comme étant mon chemin de réalisation personnel? Telles sont les questions existentielles maintenant abordées dans la Bhagavad Gîtâ (voir tous les articles sur le sujet).
Arjuna choisit l’aide de Krishna.
Karma
L’existence est le fruit de quelque chose qui a précédé:
Selon les Veda, l’âme individuelle, ou Atman, peut s’incarner dans différentes formes de vie, végétale, animale ou humaine. L’âme traverse le Samsâra, la roue des morts et des naissances, au fil de ses incarnations dans différents corps, pour expérimenter le monde et finalement pour prendre conscience de sa nature spirituelle, qui est au-delà la nature temporelle de cet univers.
L’âme incarnée en l’humain, jouit du libre arbitre : elle peut évoluer spirituellement ou involuer, en se soumettant aux pulsions inférieures.
Le Karma est en quelque sorte la conséquence des pensées, des paroles et des actes passés. Toute action laisse une imprégnation, une onde intérieure qui appelle une réaction. Ainsi, un désir inassouvi, se grave dans le mental, telle une force d’action qui poussera vers son assouvissement, liant ainsi l’être au Samsâra.
Notre recherche du bonheur, sous toutes ses formes, des plus belles aux pires, a pour cause l’impulsion des désirs qui nous poussent à assouvir les tensions existentielles qui nous tourmentent. Nous sommes comme pris au piège de nos besoins et désirs. Ceci génère nos actions, des Karmas, de trois sortes:
- Prârabdha Karma: le Karma attribué à cette vie et qui s’épuisera à son terme;
- Agâma Karma: les nouveaux Karmas qui sont créés durant de la vie présente et qu’il faudra « brûler » tôt ou tard;
- Sanchita Karma: ceux qui attendent d’être réalisés dans des vies futures.
Les Karmas attendent l’opportunité de remonter à la surface et de s’exprimer, dans cette vie ou dans une autre. Alors que chacun a son propre Karma, qui conditionne sa vie et certaines de ses réactions psychiques, le libre arbitre laisse néanmoins la liberté de choisir comment faire face aux circonstances de la vie, influençant ainsi les Karmas futurs.
La Bhagavad-Gîtâ apprend ultérieurement comment sortir du Samsâra.
Dharma
L’enseignement de la Bhagavad-Gîtâ se réfère au « Dharma » … et c’est même le premier mot de cette œuvre! La Dharma est la Loi Universelle, transmise par les Veda.
Arjuna dans son trouble, comme tout un chacun, s’inquiète de son devoir, pensant être libre d’agir. Or Krishna lui rappelle qu’il fait partie de la classe des Kshatriyas, la classe guerrière de la société hindoue:
II.31. En outre, considérant ton propre Karma, tu ne dois pas trembler; il n’est pas plus grand bien pour un Kshatriya qu’une juste bataille.
Selon la loi du Dharma, Arjuna doit agir en Kshatriya.
Svadharma
C’est ainsi que l’on nomme Svadharma, le Dharma, ou la loi d’action, propre à un individu (« Sva » voulant dire « soi »). Ce devoir individuel, dans la tradition indienne, est lié à celui de la classe ou Varna d’appartenance. La société hindoue distingue:
- les Brahmanes (la classe sacerdotale)
- les Kshatriya (les nobles, les guerriers, le pouvoir politique)
- les Vaïshya (les agriculteurs, les artisans et les commerçants, le pouvoir économique) et
- les Shûdra (les serviteurs). Le Svadharma est une obligation morale.
La recherche de la réalisation ne libère pas du Svadharma (BG XVIII.47):
XVIII.47. Mieux vaut [pour chacun] sa propre loi d’action [Svadharma], même imparfaite, que la loi d’autrui, même bien appliquée. On n’encourt pas le péché quand on agit selon la loi de sa propre nature.
Ainsi, un père de famille par exemple, a des responsabilités envers ses enfants et son épouse; il ne peut les abandonner sous prétexte de prendre la robe de moine, du moins pas tant que ses devoirs vis-à-vis de ses enfants ne sont pas remplis. Ne pas remplir ses devoirs génèrera des karmas qui demeureront profondément inscrits dans son subconscient et son âme.
Nous verrons plus loin dans la lecture de la Gîtâ que Krishna exhorte Arjuna à vivre et à agir dans le monde, avec recul et sagesse. Il ne s’agit pas de se retirer dans une vie méditative, ni de se perdre dans une vie superficielle tournée vers le «faire», pour satisfaire le mental, mais plutôt de renoncer au sentiment d’agir. La Bhagavad-Gîtâ propose une vie d’action qui intègre la réflexion et la méditation.
Svabhava
Le Svabhava est en quelque sorte ce qui est nécessaire à mon épanouissement, à la réalisation personnelle de mon âme.
Pour trouver la paix intérieure, Arjuna doit continuer à agir, dans le respect du Dharma, et trouver l’équilibre entre son Svadharma de Kshatriya et son Svabhava, sa nature intérieure véritable.
Voilà un dilemme que nous rencontrons tous à un moment ou l’autre de notre vie. Notons aussi que le sens, la conscience de ce qu’est le Svabhava évolue au fil de notre vie.
Et lorsque nous prenons conscience de notre véritable Svadharma, le plus intime et le plus profond, c’est bien de la réalisation de Dieu, la recherche de l’Union au Divin, l’Extase, à laquelle notre âme aspire… commence en nous l’équivalent de la bataille que doit livrer Arjuna.
Lutter contre sa propre famille, ses amis et parents, n’est-ce pas un peu comme la lutte contre les aspects sombres de notre nature qui nous empêchent d’avancer sur le chemin intérieur? Les vieux démons réapparaissent même chez les sages qui doivent toujours rester vigilants…
Les prises de décisions sont souvent difficiles, mais inévitables. La Bhagavad-Gîtâ incite à une vraie prise de conscience, profonde et spirituelle de la vie. Alors seulement les difficultés et changements perpétuels seront vécus sereinement, sans entacher l’harmonie qui réside à l’intérieur de soi.
Image: http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AArjuna_chooses_Krishna.jpg, By Artist unknown, India, Himachal Pradesh (Philadelphia Art museum : 1988-77-10) [Public domain], via Wikimedia Commons
Bonjour Michèle!
Je suis en pleine relecture de la BG en ce moment alors ton article arrive au bon moment! Merci!
J’ai des difficultés à distinguer svadharma et svabhava. J’ai l’impression d’analyser l’épaisseur d’un cheveux tellement cela me semble proche…
À très vite.
Amitié
Marie-Laure
Merci Marie-Laure. C’est vrai que c’est proche… Ce n’est pas pareil… mais cela peut l’être aussi!
Amicales pensées,
Michèle