Cet article fait suite aux précédents sur la Bhagavad Gîtâ.
Après avoir expliqué à Arjuna que c’est notre affectation par les changements incessants qui est la cause de la souffrance, Krishna distingue le monde changeant de ce qui est indestructible:
La nature éternelle
Arjuna doute. Il ne sait plus quoi faire devant une guerre à laquelle il ne trouve pas de sens. Toutes les bases, tous les fondements auxquels il a cru jusqu’ici s’effondrent soudainement, sur le champ de bataille… C’est à ce moment précis que Krishna lui rappelle une réalité invisible mais essentielle:
II.16. Ce qui n’existe pas ne peut commencer d’exister; ce qui existe réellement ne peut cesser d’exister. La vérité sur ces deux principes a été perçue par ceux qui connaissent la Vérité [= les sages, ceux qui voient l’essence des choses].
L’âme, le Soi, ou Atman, est sans changement et existe de tout temps. Krishna rappelle qu’elle est la seule réalité solide. Car le monde des phénomènes est soumis à l’impermanence, qui le rend en quelque sorte irréel, tel un mirage… Le sage a conscience de cela et perçoit la réalité sous-jacente de l’Atman. Cette explication de Krishna se rapproche de la théorie du Védanta qui prône que le monde est illusion.
II.21. Celui qui Le [l’Atman] connaît comme l’existence spirituelle éternelle, immortelle, impérissable, comment cet homme peut-il tuer, ô Pârtha [fils de Pritha, un autre nom pour désigner les Pandava], ou être la cause d’un meutre?
Le Sage a conscience de l’éternité de l’Atman. Il sait que si un homme meurt tué, son âme n’est pas tuée, car elle est immortelle.
Puis Krishna continue en donnant quelques explications sur la Loi d’Action et de Réaction.
La théorie de la réincarnation
La loi du karma est la loi d’action et de réaction. Nous comprenons parfaitement cette loi dans notre culture occidentale: nous disons par exemple que nous récoltons ce que nous avons semé. C’est exactement cela, la loi du karma. Les hindous et les bouddhistes la poussent beaucoup plus loin, puisqu’ils disent que nous générons tellement de karma, qu’il n’est pas possible d’en récolter toutes les conséquences dans une vie. Or, comme notre âme individuelle aspire à expérimenter les fruits de toutes ses actions, elle revient sous de nouvelles formes, pour assouvir ses désirs et les conséquences de ses actes. C’est ce que l’on appelle la théorie de la réincarnation.
Krishna exprime ainsi la transmigration de l’âme, dans ce 2e chapitre:
II.22. L’âme incarnée rejette les vieux corps et en revêt de nouveaux, comme un homme échange un vêtement usé contre un neuf.
II.24. On ne saurait la pourfendre, on ne saurait la brûler, on ne saurait la mouiller ni la dessécher. Stable, éternellement immobile, pénétrant tout, elle est pour toujours et à jamais.
II.25. Elle est non-manifestée, elle est impensable, elle est immuable; ainsi est-elle décrite [par les écritures]; donc, la connaissant comme telle, tu ne devrais point t’affliger.
La mort fait peur, la perte des êtres aimés est une grande souffrance. Arjuna est terrassé de douleur en pensant qu’il devra porter les armes contre ses anciens maîtres, contre ses anciens amis et des membres de sa famille. Krishna rappelle, avant de porter beaucoup plus loin encore son explication, que la mort telle que nous la concevons n’est pas la fin de notre existence…
II.27.¨[…] Certaine est la mort pour qui est né, et certaine est la naissance pour qui est mort; c’est pourquoi ce qui est inévitable ne devrait te causer d’affliction.II.30. Cet habitant dans le corps de chacun est éternel et indestructible, ô Bhârata, c’est pourquoi tu ne dois pleurer aucune créature.
La mort est douloureuse. Elle est perçue comme l’inconnu et la fin de tout ce que nous aimons, la limite de tout ce que nous connaissons. Krishna explique que nous nous trompons.
L’âme s’incarne pour pouvoir s’accomplir, car son accomplissement se fait sur ce plan terrestre.
La naissance et la mort sont nécessaires et indispensables à son évolution, pour qu’un jour ENFIN, elle prenne conscience de sa divinité. Ce jour- là, les désirs et les tensions qui nous habitent meurent et laissent place à une félicité totale et à une sagesse profonde qui n’auront plus de fin.
Krishna va poursuivre son enseignement et expliquer plus en détail le karma, la loi d’action qui nous lie à notre vie présente. Ce sera l’objet d’un prochain article …
Sources: La Bhagavad-Gîtâ, traduction d’après Sri Aurobindo, Camille Rao et Jean Herbert, Librairies d’Amérique et d’Orient, 1984
La Bhagavad-Gîtâ, traduction et commentaires de Swami Sivananda
Notes personnelles sur la Gîtâ.
Source de l’image: http://simple.wikipedia.org/wiki/Image:Reincarnation_AS.jpg