J’aimerais proposer ces prochains temps quelques pratiques pour affiner la respiration et donc la pratique du Pranayama. Je fais cela pour tous les lecteurs bien entendu… mais je pense aussi tout particulièrement aux participants du stage «Asana et Pranayama» que j’ai planifié pour 2013 et qui souhaiteraient s’y préparer.
Ces exercices seront, je le pense, une bonne entrée en matière… pas indispensables… mais qui leur permettra de progresser pendant le stage, mieux encore, et d’intégrer pleinement la profonde dimension du geste respiratoire.
Bandhas ou « ligatures »
Avant d’aborder ces quelques affinements de la respiration, il convient de connaître tous les Bandhas (ou ligatures, voir petit article à ce sujet>>). Or je n’ai jusqu’ici présenté que Uddiyana Bandha… c’est une lacune que je vais combler très prochainement. Restent à présenter: Mula Bandha, Jalandhara Bandha et Bandha Traya (les 3 Bandhas pris en même temps).
Les Bandhas assurent le contrôle du prana (énergie vitale). Ils permettent de l’accumuler ou de le diriger.
Les Bandhas augmentent la pression à l’intérieur du corps. Ils régulent l’énergie de la respiration en renforçant les zones délicates (ouvertures haut/bas, zone abdominale « molle ») dans lesquelles l’énergie peut avoir tendance à s’éparpiller : ils la canalisent et la redirigent le long de la colonne vertébrale, vers le canal d’énergie central et principal, que l’on nomme Sushumna en sanskrit.
« Mula » – la base ou racine
Le fond du bassin forme une « cuvette » souple, grâce au périnée, qui est traversée par l’ouverture anale. Ce «trou» de la cuvette du bassin est considéré sur le plan énergétique comme une ouverture pouvant causer la fuite de l’énergie vers le bas. Pour remédier, Mula Bandha, «la ligature de la base» ou «ligature de la racine», contrecarre le mouvement descendant de l’énergie grâce à une stimulation de l’énergie ascendante en agissant sur l’anus et le périnée (on en reparlera dans un prochain article).
Dans son livre «Le passage du Souffle», Rodolphe Milliat explique, en outre, que Mula Bandha sert aussi de «fondation à la rétractation du ventre» (Uddiyana Bandha).
Pourquoi Ashvini Mudra? – Son intérêt
« Ashvini Mudra » désigne le mouvement qu’imprime un cheval à son rectum pendant l’évacuation des selles. On dit dans la Gerandha Samhita, de « contracter et de détendre l’ouverture anale de façon répétée. Ceci porte le nom d’ashwini mudra » (3, 64). » [1]
Ashvini Mudra, le Geste de la Jument, contribue à renforcer le périnée. Les chevaux ont une maîtrise étonnante du sphincter anal qu’ils peuvent contracter et dilater avec une grande amplitude.
André Van Lysebeth précise qu’ « Asvini Mudra provoque la prise de conscience de cette région [sphincter anal et plancher pelvien], fortifie les muscles intéressés et permet de pratiquer ensuite Mula Bandha sans la moindre difficulté. » [3]
Outre le renforcement du plancher pelvien, l’amélioration du contrôle volontaire du sphincter anal et du muscle releveur de l’anus, Ashvini Mudra contribue à lutter contre les ptoses (descentes d’organes : rectum, utérus, vagin, vessie). C’est aussi une bonne prévention des hémorroïdes, car il améliore la circulation sanguine dans la zone concernée. Cet exercice est intéressant car il agit sur l’ensemble du système génital, en stimulant l’ensemble des organes du bas-ventre. Il sera utile aux femmes enceintes. Ashvini Mudra agit aussi contre la constipation. Il relaxe la zone du bas-ventre, l’énergie y circule mieux.
Ashvini Mudra stimule le Muladhara Chakra (chakra de la base) et Svadhistana Chakra (chakra du plexus sacré) et agit directement sur Apana Vayu.
Pratique d’Ashvini Mudra couché
Ashvini Mudra peut être pratiqué en toute position. Mais pour l’apprentissage, A.V.L. recommande la position couché sur le dos, genoux contre soi (Apanasana). Écarter un peu les pieds et les genoux.
Pratiquer Ashvini Mudra:
Commencer par une contraction/rétractation du sphincter anal. Puis relâcher lentement (relâchement/dilatation). Pratiquer suffisamment lentement pour bien ressentir le contraste entre les deux phases :
- phase tonique de resserrement/contraction/aspiration de l’anus vers le haut (Acuncana)
- phase de relâchement d’ouverture de l’anus vers le bas et l’extérieur (Prakashana).
Une fois que l’on a bien perçu les deux phases et que l’on maîtrise bien le geste, on peut accélérer le rythme de l’exercice. André Van Lysebeth préconise le rythme de « 3 secondes de contraction suivies de 3 secondes de relâchement » [3].
Rodolphe Milliat propose de ne pas chercher à synchroniser le mouvement avec la respiration, car cela a tendance en général à se faire naturellement. En effet, on tend à expirer sur la contraction et à inspirer sur le relâchement, ce que recommande A.V.L.
A noter qu’Ashvini Mudra peut aussi se pratiquer pendant une rétention : poumons pleins ou poumons vides.
R.M. recommande de le pratiquer 5 minutes… ce qui est un temps bien suffisant pour en expérimenter les effets. A.V.L. propose de pratiquer par séries de 5, puis d’augmenter progressivement le nombre : cette dernière pratique est la plus accessible au début.
Pratique d’Ashvini Mudra assis
Ashvini Mudra assis peut précéder une séance matinale de Pranayama, au vu de son effet énergisant. Il contribue aussi à bien s’ancrer dans l’assise.
Sur la photo ci-dessus, je propose de pratiquer Ashvini Mudra en Vajrasana (posture du Diamant ou posture de la Foudre). Pour certaines personnes, c’est plus facile que dans les postures jambes croisées, comme sur la photo en haut d’article. A essayer…
Asvini Mudra dans une variante de Sarvangasana
Voici un exercice que recommandent André Van Lysebeth [3] et Rodolphe Milliat [2] pour apprivoiser Ashvini Mudra.
R.M. le trouve particulièrement pertinent car il prépare à l’apprentissage simultané de Jalandhara Bandha (la ligature de la gorge).
Prendre Sarvangasana, la posture sur les épaules. Plier les genoux et placer les plantes des pieds l’une contre l’autre. Diriger les talons vers le périnée tout en écartant comme il faut les genoux.
Puis pratiquer Ashvini Mudra comme expliqué plus haut.
Asvini Mudra dans une variante de Sirsasana
André Van Lysebeth recommande aussi le même exercice en Sirsasana; pour ceux qui maîtrisent la posture uniquement, bien entendu…
Bon Yoga!
Bibliographie
[1] Hatha Yoga Pradipika, commentaire de Swami Satyananda Saraswati, Editions Satyanadashram, 1991.
[2] Le Passage du Souffle, Rodolphe Milliat, India Universalis Editions
[3] Pranayama, la dynamique du souffle, André Van Lysebeth, Editions Flammarion, 1993
avant tout bonne et heureuse année. quelle différence entre mulha bandha et ashvini mudra. Merci encore tous tous ces échanges.
Bonne année 2013 Michèle et merci !
Explications très claires.
Bonne et heureuse année 2013 à vous…
Toujours des explications et des photos permettant de pratiquer de la meilleure des manières. Merci
Grand merci Michèle pour la clarté de cet article !!!
Très bonne année pleine de lumière à tous.
Cloe, les deux gestes concernent muladhara chakrâ (centre d’énergie de la base)
Mulabandha, c’est la contraction permanente et légère du sphincter extérieur de l’anus.
Ashvini, c’est une contraction périodique, spasmodique, du sphincter interne de l’anus, deuxième sphincter.
Namaste
Oui, merci Pascale. C’est bien cela, la grande différence entre Asvini Mudra et Mula Bandha. Je vais bientôt préparer l’article sur Mula Bandha.
Bonjour Michèle,
Me revoilà sur une autre page de ton super site 🙂
J’ai décidé de m’intéresser aux bandhas. Toutes tes explications m’ont convaincu que cette pratique était essentielle. Comme je débute je vais m’essayer à Ashvini Mudra. Je crois comprendre la méthode proposée.
Mais que veut dire A.V.L par pratiquer par série de 5 pendant 5 mins (question bête sûrement) ?
De plus lorsque je contracte périodiquement le sphincter d’autres parties de mon corps ont tendance à se contracter comme le cou par exemple…est-ce naturelle (question un peu moins bête j’espère) ?
En fait je m’intéresse à cela notamment pour le 3ème tibétain pour protéger la zone lombaire mais je me rends compte que ce n’est pas si évident.
Est-il possible de m’éclairer un peu là dessus Michèle stp ?
Bien à toi; Cyril
Bonjour Cyril,
« Pratiquer par série de 5 pendant 5 mins » =
– Faire 5 contractions rapprochées
– Petite pause de quelques secondes ou plus, selon ce qui t’est nécessaire
– 5 contractions rapprochées
– Petite pause
etc. pendant 5 minutes.
C’est un bon exercice.
3e des 5 tibétains:
Évite de descendre dans l’extension:
1/ Limite au maximum, voire totalement pour l’instant l’extension lombaire:
– rentre le ventre contre la colonne
– contracte les fessiers en cherchant à descendre le coccyx en direction du sol (cela avance le pubis)
– … et prend Mula Bandha si tu peux.
2/ Recherche l’ouverture thoracique:
– allonge le ventre et tout l’avant du tronc
– monte le sternum et la zone du cœur en direction du plafond
– recule les épaules et rapproche les omoplates.
Est-ce que ça va mieux ainsi?
Bonjour Michèle,
Oui, tes explications sont très claires. Je vais tâcher de pratiquer ainsi pour le moment.
Dans ma série de yoga j’ai retiré la sauterelle. Ce qui me donne donc : 5 tibétains (tous le jours) en échauffement, relax, postures dans l’ordre – pose sur la tête, la charrue, ardha matsyendrasana, trikonasana et trikonasana inversé (et bientôt d’autres triangles, postures que j’affectionne), la posture du guerrier, la pince debout et enfin l’arbre. Respiration et relax en fin de séance (ceci 3 fois par semaine à la suite des 5 tibétains).
Pour le cobra je mets de côté pour l’instant car je ne le sens pas, même avec la respiration consciente dirigée vers la zone sensible des lombaires. Je vais déjà tâcher d’être régulier avec la série ci-dessus. Elle me donnera l’énergie d’évoluer dans la pratique du yoga je crois.
Je prendrai un moment de la journée pour les contractions également, en séries de 5 pdt 5 mins.
Merci beaucoup Michèle 🙂 et bonne soirée.
A bientôt; OM
Merci beaucoup Michèle de prendre le temps de répondre sur le blog malgré le fait que tu aies beaucoup de travail et excuse moi pour les trois même commentaires d’affilé. J’ai voulu corriger une faute et ça a fait ça. J’espère que tu pourras l’enlever car je ne sais pas comment…
Bien à toi; Cyril
Bonsoir Cyril,
Pas de souci: j’ai supprimé les anciens messages à double. En fait, je crois que Jean-Louis a dû avoir le même problème que toi.
C relativement nouveau et je ne sais pas comment corriger, mais ce n’est pas difficile à gérer en cas de doublons.
Vu tes sensibilités, ça semble effectivement plus sage de mettre de côté les extensions pour le moment. Le corps a besoin de temps pour se remettre…
Bonne soirée!
Bonsoir Michèle,
Je pratique donc le 3ème tibétain comme tu me l’as conseillé. Pas évident de prendre Mula Bandha en même temps que de rentrer le ventre contre la colonne et de contracter les fessiers en cherchant à descendre le coccyx en direction du sol. Je n’y arrive pas vraiment. Je vais persévérer tranquillement.
Une question archi-bête si tu me permets 😉 Serrer les fesses, est-ce différent que de contracter le fessier ? J’en ai l’impression mais je demande quand même car j’apprécie la naïveté quelques fois.
De plus allonger le ventre et tout l’avant du tronc, monter le sternum et la zone du cœur en direction du plafond, reculer les épaules et rapprocher les omoplates, tout ceci à faire avec les instructions du dessus c’est pas évident du tout non plus. Pareil je vais persévérer car ça me semble idéal pour ce rite 🙂
Bonne soirée et merci !
Bonjour Cyril,
J’ai donné un maximum de précisions… mais prends ce qui te convient.
Si tu rentres le ventre et contracte les fesses (fessiers, c la même chose 😉 ), tu protèges ton dos sensible et c très bien.
Les 5 Tibétains permettent de préserver la longueur des chaînes musculaires avant, qui ont tendance au raccourcissement avec l’âge ou le manque d’exercice.
Le « verrou » ci-dessus permet de protéger le point faible chez toi et le plus flexible de la colonne: la zone lombaire. En général, lorsque l’on veut ouvrir la zone avant en extension, on a tendance à fléchir là où c’est le plus aisé, càd la zone lombaire. Là, avec ce « verrouillage », tu privilégies l’extension au-dessus de la zone lombaire, tout en permettant un bon étirement de toute la zone ventrale.
Bonne pratique!
Michèle
PS: Si ton dos est vraiment trop sensible, laisse le 3e tibétain de côté le temps que ton dos retrouve sa pleine forme…
Bonjour Michèle,
C’est parfait ! Merci beaucoup 🙂
Excellente journée; Cyril
Bonjour Michèle,
Tu parles de contracter le sphincter interne, mais il semble que ce soit un muscle automatique, donc indépendant de la volonté.
Est-ce qu’on peut l’atteindre par la durée de la contraction du sphincter externe ou y a t’il une autre méthode ?
Encore merci pour tout,
Michèle