Plus on a de considération pour les autres, plus on stimule des sentiments amicaux chez tous ceux qui sont en notre présence.
T.K.V. Desikachar
Pour continuer la série d’articles sur les Yamas (règles en société) et les Niyamas (règles personnelles), voici le premier des Yamas: Ahimsa, la non-violence. Ce thème est tellement vaste que j’ai choisi de le traiter en plusieurs volets:
- Ahimsa, généralités;
- la non-violence par rapport à l’autre, aux autres;
- la non-violence par rapport à soi-même, dans la vie quotidienne et dans la pratique du Yoga.
En guise d’entrée en matière, voici deux citations sur la non-violence, d’après les Yoga Sutra de Patanjali :
Un désir subit d’agir avec rudesse, d’encourager ou d’approuver des actions dures, peut être réfréné en réfléchissant à ses conséquences nocives. Des actes de ce type résultent souvent d’instincts inférieurs comme la colère, la possessivité, ou un jugement déficient. Que ces actions soient importantes ou non, la réflexion dans une atmosphère favorable peut réfréner nos désirs d’agir avec rudesse.
T.K.V. Desikachar
[…] C’est toute l’importance de l’attitude intérieure. Si quelqu’un vit dans un état de non-violence, c’est-à-dire de non-jugement, de respect de l’autre, il va influencer son entourage et il sera très difficile d’être agressif à son égard ou même simplement en sa présence.
F. Mazet
Yama et Niyama – Bref rappel
Le premier article à ce sujet expliquait que les Yamas sont le premier membre de l’Ashtanga Yoga de Patanjali. Ils ont pour but de préparer le yogi à la discipline en Yoga. Les Yamas relient la pratique du Yoga à la société dans laquelle nous vivons, aux personnes que nous rencontrons, au jour le jour, mais aussi ils nous relient à nous-même, à travers l’introspection, la connaissance de soi et une maîtrise intelligente du mental et des sens.
Patanjali propose cinq Yamas (règles en société ou observances), pour garder la paix en soi et autour de soi. Ils sont des garde-fous, pour l’élève en Yoga, le chercheur spirituel, l’enseignant en Yoga, le Yogi, ainsi qu’un excellent moyen pour développer vigilance et concentration.
Quelques réflexions à propos d’Ahimsa
La violence est le propre de la vie. Le fait même d’être en vie induit une certaine forme de violence. Je le vois par exemple chez les animaux domestiques que j’observe:
Au moment de recevoir la nourriture, ils se bousculent les uns les autres pour avoir les meilleurs morceaux. Un instinct les pousse à passer d’abord pour obtenir la meilleure nourriture, le plus de confort, de bien-être. C’est un instinct de survie qui leur permettra de vivre le plus longtemps…
Ahimsa, la non-violence, est un concept «évolué», «civilisé», que l’on retrouve chez l’homme et parfois chez l’animal, dans des circonstances exceptionnelles. Il est question d’Ahimsa dans les Yoga Sutra de Patanjali, mais aussi dans la religion hindoue, très marquée par la notion de «Karma», la loi de cause à effet. Ahimsa c’est «ne pas causer la souffrance ni de dommage» et respecter la vie humaine, mais aussi la vie animale et végétale. Ahimsa comprend donc le respect de l’environnement que constitue la planète.
Ahimsa peut être interprété de différentes façons. Qu’est-ce que la non-violence? Est-elle la même chose pour un individu et un autre?
Le jaïnisme, secte pacifique indienne, contemporaine au bouddhisme, a élevé Ahimsa au plus haut point, si bien que ses adeptes balaient devant eux pour ne pas écraser les insectes et autres petits organismes. Ils sont végétariens et ne mangent pas de racines (carottes, céleri, …) pour ne pas condamner la plante. Les hindous stricts sont végétariens eux aussi, depuis des millénaires, pour éviter la souffrance animale.
Ahimsa consiste à ne pas nuire, en pensées, en paroles et en actes. Ahimsa se pratique avec soi-même, avec les autres – son conjoint, sa famille, au volant, au travail, … – dans l’alimentation et l’hygiène de vie, dans sa relation à l’environnement, et bien sûr pendant les Asanas et le Pranayama.
La violence n’est pas seulement un acte physique, elle peut être verbale, elle peut être aussi psychique. L’indifférence est une autre forme de violence.
Le Mahatma Gandhi a été très inspiré par la non-violence qu’il a prônée sa vie durant. Mais ses jeûnes sévères, parce que longs et répétés, ont certainement mis son corps à rude épreuve. Sa mort fut un acte violent, que le Mahatma a su recevoir de façon non-violente et paisible, puisque ses derniers mots ont été son mantra « Ram », le nom de Dieu.
« Ne rien voir de mal, ne rien entendre de mal, ne rien dire de mal ». À celui qui suit cette maxime, il n’arrivera que du bien.
Telle fut la devise de Gandhi qui gardait paraît-il toujours avec lui une petite sculpture de ces trois singes..
Source pour de l’image de Gandhi et l’enfant: http://www.nonviolence21.com/non-violence-21.php. Je ne retrouve plus celle pour les 3 petits singes (la page web n’existe plus).
Cet article est vraiment très intéressant.
Si chacun pouvait seulement respecter l’autre, ce que la vie serait plus facile !
Très inspirant, merci. 🙂
La première fois, quand la professeure de Yoga avait parlé de ce Yama, je me souviens avoir été pise de court. La non-violence envers les autres, je comprends, bien que la colère soit parfois difficile à réprimer. Mais la non-violence envers soi-même en pensées, en paroles et en actes? C’était une idée complètement nouvelle pour moi. Ça m’avait fait revisiter les souvenirs d’enfance, plus ou moins plaisants. C’était libérateur.
Merci pour ce bel article.
merci michelle
AMISHA est a la fois un point de depart et un BUT.. qui ne peut etre atteint que par les etres eveilles comme AMMA.
mais cela ne doit pas nous decourager de le pratiquer au quotidien.
j’ annalyse chaque manquement ( et ils sont nombreux..) .. et souvent ..c’est parti d’une violence fait a moi meme? une acceptation d’uen situation naormale qui petit a petit degenere
LUMIERE ET AMOUR
Namaste
Sans doutes n’y a-t-il aucune action violente extérieure s’il n’y a pas son équivalent intérieur, nous réagissons à ce qui est en aval de notre face car nous avons le même en amont. Ainsi, nos émotions ne fonctionnent-elles que par correspondance analogique.
Sans aller chercher des inutiles finesses psychologiques, la manière dont nous investissons une posture est déjà le témoin de notre rapport à notre violence.
Merci pour cet article.
Ce yama me parait fondamental au travers de l’époque que nous vivons qui se caractérise par un flot incessant de violences au quotidien (émissions télévisées, jeux, ambiance de travail…..)
Si nous portons une responsabilité, il me semble que serait d’ être un réel vecteur de paix dans son entourage.
En dehors même de toute idée politique ou religieuse, aurions nous le courage de dire en croisant un inconnu : « La paix soit avec vous » ?
Namaste. Bonsoir à tous. Voici les anciens commentaires relatifs à cet article sur Ahimsa:
6 commentaires
Rico a dit: Ouvert 8 décembre 2007
Bonjour Michèle,
vaste sujet que la non-violence, et si dure à pratiquer !
Je ne parle pas de la violence physique, ça c’est pas trop dur: ne pas se battre, ne pas écraser les animaux, éviter de se mettre en colère, trier ses déchets, essayer de respecter l’environnement etc…..
Mais alors là ou ça se complique, c’est pratiquer la non violence des pensées, la compassion pour tous les être: combien de fois par jour on se dit: « quel c… celui là » ou alors « elle est moche cette fille »; si on observait constamment ses pensées, comme en méditation, on serait surpris du nombre de pensées violentes que l’on développe par minute……
j’attends avec impatience la suite de vos articles.
Bon week end
Christophe a dit: Ouvert 8 décembre 2007
Bonjour Michèle,
Je suis entièrement d’accord avec Rico. Combien de fois par jour peut-on se surprendre avec des pensées ou des paroles violentes. Pas toujours simple de se contrôler.
Je pense également que non-violence, non-nuisance ne doit pas être synonyme de passivité. Comment réagir face à une action violente contre autrui ou soi même tout en respectant ahimsa ? Vaste sujet !
Bonne soirée,
Michèle a dit: Ouvert 9 décembre 2007
Bonjour Rico et Christophe,
Oui c’est vrai, la violence n’est pas toujours visible ni détectée par l’auteur lui-même!
On prend le pli de ses pensées, on juge, on critique intérieurement. Par la force de l’habitude, les violences « pensées » deviennent normales, si bien que l’on se rend même plus compte de cette forme de violence, tout droit issue de nos frustrations.
Les pistes de l’observation et de la méditation sont essentielles pour ne pas devenir esclave des réflexes inscrits par la répétition de pensées violentes. Sans quoi, on se retrouve un beau jour en malaise, emplis de pensées qui nous déplaisent.
Quant à la non-violence « active », j’y crois totalement. Je souhaite aborder ce thème dans le prochain article. Souvent, on compare la non-violence indienne à de la résignation et de la passivité. Mais il me semble que la réponse à chaque situation, aussi complexe soit-elle, se trouve dans notre conscience profonde, qui est sage et intelligente. La vie implique une forme de violence à chaque instant. Le simple fait de respirer: nous absorbons et condamnons des micro-organismes…
Le maître de Milarepa était violent, en le condamnant à faire et défaire des tours, en lui témoignant une apparente indifférence. Mais dans le contexte de vie particulièrement violent de Milarepa, cela l’a aidé à évoluer et en quelque sorte à se libérer d’un passé chargé, à développer sa détermination, son détachement et sa sagesse…
Bon dimanche
Michèle
Erika a dit: Ouvert 9 décembre 2007
Il y a aussi la non-violence vis-à-vis de soi-même. Elle est plus insidieuse, elle demande une réelle prise de conscience. C’est sans doute par là que tout commence…
Michèle a dit: Ouvert 9 décembre 2007
Merci Erika. C’est bien vu… et c’est pourtant là que j’ai choisi de terminer la réflexion sur Ahimsa (3e article). Parce que la non-violence envers soi… n’est pas le thème le plus facile.
Le 2e article sera consacré à la prise de conscience de la violence que l’on développe vis-à-vis de l’autre, de l’extérieur.
Bonne soirée
Michèle
divaduyoga a dit: Ouvert 14 décembre 2007
Bonjour Michèle,
Merci pour cet excellent article. Tu soulèves une très bonne question à laquelle je n’avais pas réfléchi jusqu’à maintenant: « Est-ce que la non-violence est la même chose pour un individu et pour un autre? »
Effectivement, notre éducation, notre système de valeurs et nos perceptions sont tous différents les uns des autres. Ainsi l’est notre perception sur la non-violence.
De même, le concept de non-violence peut évoluer au fil du temps chez un même individu. Ce qu’il considère non-violent maintenant pourrait, avec le développement de la conscience, être considéré violent dans 10 ans.
Ce qui me touche le plus dans tout ce que vous écrivez, ce ne sont pas les écrits intellectuels, mais les expériences personnelles ; elles ont pour moi plus de valeur. Les commentaires des uns et des autres sur la violence sont tous dignes d’intérêts et je me retrouve un peu dans chacun d’entre eux. Cependant, dans l’expérience de ma propre violence, il m’apparaît récemment une réalité autre que je ne retrouve jamais écrite nulle part : la violence est une apparence qui camoufle une peur profonde, inconsciente, qu’il n’est pas facile de voir en face en dehors d’une longue expérience intérieure. Je suis en plein dans cette réalité en ce moment et ce n’est pas triste. En tous les cas, beaucoup de mes certitudes sont bousculées, à ce point que je ne fais plus aucune projection à long terme sur ce que je voudrai ou serai… Quand on a fait le choix de tourner son regard vers l’intérieur, on doit s’attendre un jour à ce que toute sa vie soit boulversée. Ce sont les états intermédiaires qui sont difficiles à gérer, ceux dans lequels on vit la perte de ses repères sans avoir encore intégré ce que nous sommes profondément. Mais comme je dis toujours « je le souhaite à mon pire ennemi » car il en reste plus d’amour et ça, c’est inestimable.
Bonsoir, merci pour cet article , je suis entrain de lire les 7 lois spirituelles du yoga de Deepack Chopra, et actuellement je suis en formation yoga. Les 8 branches du yoga, et cet article tombe devant moi, merci car cela me permet par vos explications de mettre en pratique , et les commentaires sont très intéressants, c’est un beau partage, gratitude. Namasté
Merci Frédérique. Namaste.