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La philosophie du Sâmkhya sous-tend la pensée yogique. Selon cette philosophie, le Monde phénoménal est une projection de l’Energie Universelle (Prakriti, la Nature, la Vie, le Mouvement) sous l’impulsion de la Pure Conscience (Purusha, l’Observateur Immobile, l’Intelligence cosmique).

Ce contact initial a donné naissance aux grandes qualités universelles: Sattva, l’équilibre; Rajas, la transformation; Tamas, l’inertie.

femme priere indeL’origine

Ainsi le Monde phénoménal a pour origine la Pure Conscience (principe masculin) et l’Énergie Universelle (principe féminin). Selon le Samkhya, c’est en quelque sorte comme si Purusha, la Pure Conscience divine a , à un moment donné, émis le désir d’expérimenter l’Univers. Ce désir manifesté, Purusha s’est rapproché du  principe féminin, la Prakriti, l’Énergie Universelle, seule capable de réaliser son désir par la manifestation dans la matière.

L’Intelligence Universelle ayant émis ce désir d’expérimenter, le reste de la Création s’est mis en branle:
Tous les éléments qui composent l’Univers ont vu le jour successivement:

  • la matière subtile et « grossière »,
  • la conscience individuelle (duelle) ou égo,
  • le mental,
  • ainsi que les outils nécessaires pour expérimenter le monde :
    – les organes des sens, pour le percevoir ;
    – et les organes d’actions, pour agir sur lui.

La Souffrance

Le Sâmkhya explique dès le départ que le monde est souffrance. C’est une constatation, un fait avéré : la vie est faite de contingences, plus ou moins faciles par certains moments, difficiles par d’autres moments. Le corps est soumis à la maladie, au vieillissement et à la mort, tout comme les feuilles de l’arbre qui s’ouvrent, croissent, traversent la belle saison, puis sèchent, et enfin tombent, emportées par le vent…

samkhya karika souffrance

Chaque homme expérimente la souffrance psychique et la douleur physique du corps amené à redevenir poussière. Chaque homme souhaite aussi, plus haut que tout, bonheur et éternité. C’est ainsi qu’il est poussé par ses désirs vers un bonheur qu’il n’arrive jamais atteindre, tant son mental est insatiable. Mû par un mental pétri de désirs et ne fonctionnant que par eux, l’homme ne trouve donc jamais le repos.

En son coeur, l’homme a totalement obscurci puis oublié sa véritable nature, la pure Félicité du Purusha, qui pourtant repose au plus profond de lui-même, et qui est éternelle… Alors, il projette son aspiration au mieux-être et au bonheur dans les objets extérieurs. Il y recherche la satisfaction momentanée de ses désirs. Et pourtant, chaque désir soulagé l’enchaîne un peu plus à ce mode de fonctionnement et dans des habitudes qui construisent et entravent son destin. Et comme chaque action en ce monde, entraîne une réaction, c’est la Roue de la Loi du Karma qui se met à tourner pour l’homme…

Les passions et des désirs sont sans fin. Une vie ne suffit pas à remplir tous les désirs d’expérimentation du monde de l’âme individuelle… alors, la croyance hindoue introduit la notion de réincarnation! On revient pour expérimenter nos désirs et jouir (ou souffrir) du fruit de nos actions passées.

La Libération

Le seul vrai bonheur, selon le Sâmkhya, consiste à prendre conscience de ce grand leurre, de cette illusion dans laquelle est plongé le mental, et à sortir de cette logique.
C’est exactement la démarche du yoga, qui est une méthode de mise en pratique du Sâmkhya. Le yogi observe son mental, tel un objet, ou plutôt une interface complexe, qui lui permet de mettre en  contact le monde extérieur et son monde intérieur. Cette approche permet de mieux se connaître soi-même, grâce à une introspection permanente. Puis il tente de maîtriser ce mental. La chose est d’abord bien difficile…

Mais à force de travail, petit à petit, il calme les pensées et les désirs. C’est alors que ses qualités spirituelles se développent progressivement. En lui mûrit la plus haute sagesse: il réalise à l’intérieur de lui-même la vraie Félicité, celle qui demeure et qui est pure Conscience. Cet état le comble totalement et met fin à la frénésie des désirs et des sens. C’est ce qu’on appelle en Samkhya, le retour à Purusha, à la Source Première. Plus rien ne peut atteindre le yogi, qui expérimente de façon directe et définitive le contentement permanent, quelles que soient les circonstances de sa vie. Plus rien ne l’enchaîne à ce monde des phénomènes: il est un être totalement LIBRE, libéré de tous les carcans, de toutes les chaînes des karmas, de tous les dogmes.

La philosophie du Sâmkhya a une autre particularité, essentielle pour comprendre le yoga: il dit que l’homme est une reproduction miniature exacte du macrocosme. Il en est le microcosme.  La Sâmkhya explique qu’expérimenter à l’intérieur de soi, l’ensemble de la Création (le Macrocosme), cela revient à comprendre et à connaître pleinement et réellement le Macrocosme.

C’est pourquoi les postures de yoga reproduisent les noms de toutes les manifestations et créatures du monde phénoménal, de différents végétaux, personnages, outils, Sages et Dieux, … On dit qu’il existe entre 84′000 asanas différents. Les pratiquer, c’est expérimenter, en pleine conscience, les différentes manifestations de la Création, de l’Univers…

Les centres d’énergie psychiques que sont les Chakras, sont les énergies mêmes de la Prakriti, de l’Univers entier, dans ses multiples dimensions visibles et invisibles. Les Chakras sont enchâssées dans le(s) corps de l’être humain. Les ressentir, les éveiller, c’est s’éveiller à toute la puissance créatrice de l’Univers, de la Prakriti.

L’expérience est de loin supérieure à l’étude intellectuelle. Expérimenter permet de comprendre, de connaître pleinement et véritablement, par la voie directe de la Conscience… Une fois que le yogi a reçu cette connaissance directe de la Prakriti, son aspiration naturelle  sera d’entamer le grand voyage du retour vers le Purusha, sa véritable Source.
Il rompt ainsi le cycle des Samsâra (les vies et les renaissances) et retourne à la Pure Conscience.

Hari Om Tat Sat*
* Mantra signifiant à peu près: « Ce Brahman est infini, infini est cet Univers ». En Inde, il est souvent utilisé pour clore les exposés ou les satsangs.

Photo: Merci à Ana (vous pouvez voir son site ici) pour les deux photos prises en Inde. Elle m’a proposé se vous partager quelques unes de ses très belles photos sur ce blog.

Michèle Lefèvre Granclément

Le Yoga m'accompagne au quotidien depuis longtemps et je le transmets depuis 1991. La méditation et la pratique des différents aspects du Yoga Intégral, les rencontres sur le chemin, et l'étude des textes sacrés / philosophiques, sont mes sources d’inspiration. L'amour de la Nature et l'approche holistique de la santé, depuis l'enfance, m'ont conduite à mettre en pratique conjointement les sagesses de l'Ayurveda et du Yoga, puis à étudier leurs synergies. La Joie et l'évidence de la transmission de ces voies sœurs découlent de cette expérience de Vie.

9 Comments

  • Michele dit :

    Voici 2 commentaires publiés sur la version initiale de cet article en 2010:
    1. simon a dit: Ouvert 10 septembre 2010
    Je consulte votre site depuis à-peu-près maintenant 6 mois; félicitations pour la qualité de tous vos articles.
    J’aurais aimé avoir un peu plus de précisions sur celui que vous avez consacré au Sâmkhya; j’aimerais en particulier connaître quelles sont vos sources, quels ouvrages vous pouvez nous conseiller; même chose pour l’article consacré à Svadharma et Svabhava, en dehors bien sûr de la Bhagavad-Gîtâ que nous connaissons tous.
    Merci d’avance et encore bravo.
    Simon
    ***
    2. Michèle a dit: Ouvert 11 septembre 2010
    Bonsoir Simon,
    Concernant mes sources pour écrire cet article, je l’ai rédigé sans rien. Pendant un cours de yoga, il y a bien longtemps (20 ans?), un Swami m’a parlé des noms des postures en induisant très brièvement l’explication selon le Samkhya ci-dessus. Cela m’a toujours parlé.
    C’est la même chose pour l’article sur le Svadharma et le Svabhava [que je n’ai pas encore re-publié ici], ce sont des concepts couramment développés dans l’enseignement de la Gita. Ils sont présents à mon esprit et l’article découle de mon intérêt pour eux.
    Sauf oubli, très rares et involontaires, je note toujours mes sources.
    ***
    Concernant les ouvrages de référence:
    – Sur le Samkhya:
    Le livre que j’ai le plus aimé est indisponible: Samkhya Karika, de Swami Shraddhananda Giri, Éditions du Trigramme. Je l’avais emprunté à une bibliothèque et j’aimerais parfois pouvoir le relire… j’espère le trouver un jour. L’auteur y commente les Samkhya Karika, texte classique sur le sujet.
    Il existe aussi en français:
    – Sâmkhya-Kârikâ d’Isvarakrsna
    – Sur la Bhagavad Gita:
    Il y a le livre de Jean Herbert, si j’ai bon souvenir (ça date dans mon esprit):
    – Réflexions sur la Bhagavad-Gîtâ
    – Le texte de Sri Aurobindo est très intéressant aussi:La Bhagavad-Gîtâ
    J’ai aimé les enseignements directs de Sant Keshavadas (aujourd’hui décédé). Il racontait de façon très imagée les tourments d’Arjuna et l’enseignement de Krishna… le tout alterné avec des chants traditionnels.
    Sinon, vu que j’ai suivi l’enseignement de Swami Sivananda durant mes premières années d’approfondissement du yoga, j’ai naturellement étudié la Gita avec les commentaires de Sivananda. Le texte est disponible en ligne et en anglais ici, comme nombre de ces autres ouvrages.

  • Erika dit :

    namaste,
    Drôle, synchronicité parfaite avec mon cours de yoga !

  • Dolores dit :

    Bonjour,
    Concernant « Le Sâmkhya kârikâ » éditions du Trigramme, vous pouvez l’emprunter via une bibliothèque par le prêt « Inter » (ex. Bibliothèque Sainte Geneviève à Paris).
    Cordialement.

  • lewerentz dit :

    Article très intéressant – comme d’habitude. Merci !

  • Isabelle dit :

    Merci Michèle pour cet exposé clair et concis qui me sera fort utile!
    Isabelle

  • Sylvie Faye dit :

    Chère Michèle,
    tu peux télécharger Samkhya Karika, de Swami Shraddhananda Giri, Éditions du Trigramme qui est épuisé ici :
    http://lecoeurdelayogini.com/wa_files/Samkhya_20Karika.pdf.
    Merci pour ton partage de connaissances !

  • Sylvie Faye dit :

    Je suis désolée d’être allée trop vite, le descriptif du pdf cité dans mon précédent commentaire est trompeur car les commentaires sont tirés de l’ouvrage de Bernard Bouanchaud !

  • Michele dit :

    Merci Sylvie,
    Quoiqu’il en soit, c’est un lien vers une traduction et c’est toujours utile 🙂
    Entre deux, j’ai acquis le « précieux ouvrage » de Swami Shraddhananda Giri. Il est plutôt pour érudit mais vraiment très bien et complet pour qui aime se plonger dans la tradition.
    Pleins de bonnes choses à toi!
    Namaste,
    Michèle
    PS: Je vais me mettre à répondre aux nombreux commentaires en attente sous peu…

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