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Voici la suite de notre voyage dans la Bhagavad-Gîtâ: tout d’abord quelques mots encore sur la conclusion du premier chapitre; puis une vue d’ensemble du reste de la Gîtâ, qui représente l’enseignement de Krishna à Arjuna.

bhagavad gita rishikesh

A propos du chapitre 1: « Le désespoir d’Arjuna »

Dans le précédent article, il a déjà été question de ce premier chapitre.
Arjuna y est terrassé par la prise de conscience des conséquences de la guerre fratricide qui est sur le point de s’engager. Il dit:

I.31 Je ne vois en cela que mauvaise augure. O Keshava*, et ne prévois aucun bien de ce combat fratricide.
* Keshava est un des nombreux noms de Krishna. Keshava signifie « celui qui a une belle ou abondante chevelure ».

Les choses, telles qu’elles apparaissent, semblent lui donner raison au premier abord… Une lutte au sein d’une même famille est cause de désordre dans le clan. Ce désordre va contre l’ordre universel, le Dharma. Voilà l’explication logique d’Arjuna, qui le mène à renoncer au combat.
Il renchérit même:

1.39 Pourquoi nous qui comprenons clairement le mal qu’il y a à détruire les familles, n’apprendrions-nous pas à nous détourner de ce péché, O Janardana*?
* Autre nom de Krishna. Janardana signifie « celui que l’humanité adore », un des noms de Vishnu, aspect de la Préservation de la Trinité hindoue.

Autrement dit: « Les Kaurava sont dans l’ignorance et l’emprise du mal, mais nous qui sommes sages et éclairés, renonçons à nos droits ». Arjuna dira: « Commettre des crimes en réponse à la convoitise d’autrui, c’est encore pire que le crime initial, si l’on est éclairé ».
L’argument semble de force… Arjuna semble même faire acte de grandeur en renonçant à son royaume et à tout acte de violence… Mais ce n’est pas ainsi que le voit Krishna…

Revenons à nos petites personnes. Combien de fois notre propre mental nous donne-t-il toutes les bonnes raisons de ne pas faire ce qui devrait l’être? Il existe en nous un fin stratège qui s’arrange pour toujours tourner la situation à notre avantage… D’ailleurs, avons-nous jamais totalement tort, lorsque nous racontons nos déboires à un ami?

C’est ce même genre de stratagème que Krishna va démonter dans le prochain chapitre, en faisant prendre du recul à Arjuna… Dès le chapitre 2, la Bhagavad-Gîtâ retranscrit l’enseignement de Krishna à Arjuna.

L’enseignement de Krishna à Arjuna

Avant d’aller plus loin dans le texte, voici les grandes lignes de cet enseignement. Ceci permet d’avoir une vue d’ensemble… mais nécessitera bien des explications. Je reviendrai plus en détails sur chacun des chapitres, les prochaines semaines.

  • Chapitre 2: Krishna explique à Arjuna la philosophie du Sâmkhya, la théorie du Karma, ainsi que le Dharma (Loi universelle, Devoir), afin de mettre sa situation en perspective avec une vision beaucoup plus large, qui dépasse sa compréhension limitée. Il lui expose ensuite le Yoga de la Buddhi (de l’intellect), pour développer son discernement en vue de l’action juste.
  • Chapitre 3: Krishna lui transmet encore la quintessence du Yoga, le but Suprême: le Karma Yoga ( Yoga de l’Action), dans lequel les actions sont considérées comme un sacrifice au Divin, sans aucun dessin personnel.
  • Chapitre 4: Ensuite, Krishna lui révèle sa nature divine; puis il lui explique la supériorité du sacrifice védique intériorisé (et authentique) sur les rites extérieurs (les rites extérieurs sont organisés pour produire des effets positifs sur une famille, une personne, etc.).
  • Chapitre 5: Alors qu’Arjuna pense que l’action et le renoncement sont incompatibles, Krishna lui explique, que l’acte désintéressé du sage n’entraîne pas de Karma, car il est dans la connaissance du Soi et sans attente.
  • Chapitre 6: Krishna lui transmet alors les grands principes du Yoga, pouvant être rapprochés de l’Ashtanga Yoga de Patanjali.
  • Chapitre 7: Ensuite est décrite la nature de l’Etre Suprême. Krishna synthétise le Jnâna, Yoga de la Connaissance, et le Bhakti, Yoga de la dévotion. Pour obtenir une connaissance complète du Divin, il est nécessaire de fixer complètement son esprit sur Lui.
  • Chapitre 8: Krishna donne la première description de Brahman, l’Impérissable, l’Absolu.
  • Chapitre 9: Krishna expose le Raja Yoga, qui consiste à diriger le mental et son être entier vers le Divin.
  • Chapitre 10: Krishna expose la Puissance de Dieu.
  • Chapitre 11: Arjuna demande à Krishna de lui montrer la vision de sa forme cosmique. Krishna la lui accorde. La vision est celle du Temps, qui détruit tout; elle suscite le vertige et la peur d’Arjuna qui souhaite revoir Sa douce forme humaine.
  • Chapitre 12: Krishna expose le Yoga de la dévotion (Bhakti) et la difficulté de s’attacher au Non-Manifesté. L’esprit de la Gîtâ.
  • Chapitre 13: Krishna explique le trésor de l’état de libération. L’être libéré devient un avec le Divin, au-delà des distinctions duelles. Il y a l’équanimité dans l’action, félicité, au-delà des changements permanents.
  • Chapitre 14: Par la théorie du Sâmkhya (Jnâna), se développe la discrimination des trois Gunas (les qualités auxquelles sont soumises toutes les manifestations de ce monde: la pureté, le changement et l’inertie). L’action est dès lors libérée des Gunas. Agir dans les Gunas (qualités) engendre des conséquences: c’est se soumettre à la loi du karma. Agir au-delà des Gunas ne génère plus de Karma… Cela est possible lorsque le yogi fait un don total de soi au Divin.
  • Chapitre 15: Krishna expose alors l’idée d’une conscience triple et pourtant Une.
  • Chapitre 16: Distinction des êtres selon leur nature divine ou démoniaque.
  • Chapitre 17: Le passage au-delà des 3 Gunas: développer la Pureté au plus haut niveau… puis dépasser cette qualité pour transcender ce plan de la manifestation. Nécessité absolue de la foi. Bien que l’action soit teintée par les Gunas (tout ce qui existe dans l’univers tangible est forcément teinté des qualités de la manifestation), la perfection de la foi conduit l’action au-delà de Sattva, la Pureté.
  • Chapitre 18: Le renoncement à tous les fruits de l’action, permet d’accomplir son Svadharma (le Devoir de chacun), tout en étant libéré des Gunas et de la loi du Karma. L’être libéré qui prend totalement refuge dans le Divin et, tout en accomplissant ses devoirs dans le monde, il renonce à tous les fruits de ses actions.

Une fois ces enseignements reçus, l’erreur de compréhension d’Arjuna, liée à son ignorance est détruite. Arjuna s’engage dans le combat et remplit le devoir qui est le sien …

Liste des articles sur la Bhagavad Gita

La Bhagavad-Gîtâ et son contexte >>
Bhagavad-Gita Chapitre 1: Le désespoir d’Arjuna – Quelques symboles de la Bhagavad-Gîtâ >>
La trame de la Bhagavad-Gîtâ >>
Bhagavad-Gîta Chapitre 2: Le Yoga selon le Sâmkhya >>
Bhagavad-Gîta Chapitre 2: éternité et réincarnation >>
Bhagavad-Gîta – Chapitre 2: Svadharma et Svabhava >>
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Extrait du poème du Mahabharata >>

Bibliographie et citations de la Bhagavad Gita:
La Bhagavad Gita vol. 1, Swami Sivananda, Polycopié des Centres de Yoga Sivananda
Bhagavad Guita, Swami Ritajananda, Editions Centre Védantique Ramakrishna, 1976

Michèle Lefèvre Granclément

Le Yoga m'accompagne au quotidien depuis longtemps et je le transmets depuis 1991. La méditation et la pratique des différents aspects du Yoga Intégral, les rencontres sur le chemin, et l'étude des textes sacrés / philosophiques, sont mes sources d’inspiration. L'amour de la Nature et l'approche holistique de la santé, depuis l'enfance, m'ont conduite à mettre en pratique conjointement les sagesses de l'Ayurveda et du Yoga, puis à étudier leurs synergies. La Joie et l'évidence de la transmission de ces voies sœurs découlent de cette expérience de Vie.

3 Comments

  • Cécile dit :

    Merci pour ce travail et ce partage. La Bhagavad Gita est un manuel de vie.
    Belle journée.

  • Bonjour, Vous avez écrit, selon la traduction de Swami Sivananda : « Arjuna demande à Krishna de lui montrer la vision de sa forme cosmique. Krishna la lui accorde. La vision est celle du Temps, qui détruit tout; elle suscite le vertige et la peur d’Arjuna qui souhaite revoir Sa douce forme humaine. » Cette forme, cependant, n’est pas un produit de maya, elle est spirituelle et éternelle. Elle n’est pas anéantie à la fin de la dissolution cosmique, elle ne se fond pas dans le brahman. Vous ne trouverez nulle part dans les écritures védiques une mention qui va dans ce sens. Krishna possède, contrairement à Indra, Shiva ou Brahma, sa propre planète dans l’espace de Vaïkuntha au nom de Goloka (la planète des vaches).
    Bien à vous
    PS. Si vous voulez connaître mon point de vue sur la Bhagavad-gita, je vous invite à visiter mon site, là j’y fais la critique de diverses traductions de ce livre saint.
    -Et puisque vous êtes une adepte du yoga, je vous donne également un lien sur l’ostéoyoga que l’on pratique au Québec et qui devrait vous intéresser…
    http://medecinevivante.co/OsteoYoga/osteo_yoga.html

  • Michele dit :

    Merci pour votre commentaire. Il est vrai que Swami Sivananda traduit et commente à la lumière de l’Advaita Vedanta, la philosophie qu’il a plus que tout enseignées/transmise.
    Merci cependant pour ces informations et précisions. J’irai voir votre site.
    Hari OM

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