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Il y a peu, je vous parlais de la violence qui existe dans notre relation à l’autre et au monde. La violence, ce n’est pas seulement la violence physique. C’est elle qui sourde déjà dans une pensée anodine, une attitude, une parole.

kendo escrime
La violence est un constat quotidien. Alors que faire?
Il n’y a pas de recette miracle, mais heureusement des pistes à suivre.

L’universalité d’Ahimsa …

Ahimsa est la non-violence de moi à moi, de moi à l’autre. Ahimsa parle à tous et concerne tous les êtres doués de conscience.
Ahimsa est un Yama (règle de vie en société), une voie d’ascèse aussi, une Sadhana (pratique en yoga). A mon sens, en matière d’Ahimsa, l’importance est l’accord parfait entre le cœur (ou l’âme, la conscience) et la pensée (ou l’action qui en découle).

… et la multiplicité de son expression

Mais cette voie n’est pas forcément la même d’une personne à l’autre, même s’il existe une idée universelle de ce qu’est la non violence.

L’exemple du végétarisme
Mon parcours de vie fait que j’ai expérimenté le végétarisme dès ma tendre enfance. Et aujourd’hui, il me serait difficile de manger de la viande, alors que j’ai expérimenté le végétarisme pendant tant d’années, que je vis en pleine santé et que je jouis de tous les plaisirs du palais, sans condamner de vie animale. Ceci est le résultat de mon parcours.
L’alimentation est quelque chose de très intime et souvent relié à l’enfance. Je ne génère donc aucune frustration, ni violence envers moi-même, en continuant à être végétarienne.
J’ai vu des bouddhistes tibétains, ayant développé Ahimsa et une immense sagesse, manger occasionnellement de la viande. Mais ils le font en pleine conscience et en remerciant l’animal qui a fait don de sa vie. Cette action, à mon sens, n’enlève pas leurs qualités d’âme.

Autre exemple: la Bhagavad Gita. Pour Arjuna, son véritable devoir de guerrier était de se battre contre les siens – et de tuer -, et non le refus de combattre. Il lui a fallu prendre du recul et recevoir l’éclairage supérieur (de Krishna) pour comprendre qu’il n’était qu’instrument de la volonté divine, en vue de rétablir le dharma (le bien).

Le problème est chez moi

Si je m’énerve facilement, le problème n’est pas chez l’autre envers qui je suis agressif. Il est chez moi.
Imaginons, par exemple, que je tape un bon coup de poing sur la table. La table ne m’a rien fait… Mais en fin de compte, c’est moi qui ai mal!
La violence envers l’autre, c’est souvent de la violence contre soi-même. Alors, au sens propre ou au sens figuré, on se fait du mal.
Et à force de répétition, la violence devient une habitude, une norme de comportement.

Nous entretenons tous ou quasiment quelques insatisfactions, pour des raisons matérielles, affectives, relationnelles ou autres. Cela entraîne une certaine dose de frustration au quotidien qui peut se traduire dans le comportement. Par exemple, pour «défouler» mes frustrations, je ne respecte pas les autres, je n’en ai rien à faire de l’environnement, etc.

«Drashtar», le témoin intérieur

Voici la technique que propose Patanjali. Il explique dans ses Yoga Sutra que réside en nous le «Drashtar». Drashtar est celui qui voit, le témoin, la conscience profonde qui est capable de prendre de la distance par rapport aux événements du quotidien. Drashtar se situe au-delà des vicissitudes de notre existence. Il est immobile et éternel observateur de l’agitation du monde et du mental. Il n’est pas affecté par les aléas de nos humeurs, car il relève de quelque chose de supérieur, d’universel. Drashtar est un sage qui réside en nous.

Lorsque surviennent des pulsions violentes, nous pouvons les observer, les ressentir, les accueillir plutôt que de les refuser et de nous voiler la face.
Ainsi, plutôt que de reléguer le Drashtar aux oubliettes, nous pouvons nous reconnecter à lui.
Et lui peut alors manifester sa sagesse jusqu’à notre niveau conscient. Nous pouvons nous reconnecter à son intuition profonde, à un ressenti extrêmement fin, qui va parfois au-delà du rationnel.

Un tel ressenti des situations, des personnes, du monde et de notre interaction avec eux, nous accorde à la vie, nous positionne. Il nous dicte intuitivement l’attitude à adopter.
Il devient dès lors plus aisé de savoir comment être et quoi faire, même dans une situation violente, comme Arjuna dans la Bhagavad Gita.

Ahimsa, ascèse ou liberté

Comme on le voit, tout est question de choix d’action, le plus en accord avec la conscience profonde.
Ahimsa est un choix délibéré, un acte conscient, une responsabilité personnelle. Ce Yama (restriction) est une ascèse ou une sadhana (pratique du yoga).

D’un côté, il peut être perçu comme restrictif par le Sadhak (yogi), puisqu’il s’agit de refreiner une tendance innée.
Mais de l’autre, vivre pleinement connecté à sa conscience profonde et «vivre en Ahimsa» de façon naturelle et spontanée, ressemble à la plus belle forme de liberté…

Comment connecter sa conscience profonde?

Se connecter à soi-même, c’est parvenir à se voir avec une distance bienveillante qui laisse de l’espace à une certaine forme d’indulgence et de patience. S’accepter soi-même, accepter de se voir tel que l’on est est un préalable indispensable.
C’est aussi reconnaître la nécessité d’un changement de comportement chaque fois que nécessaire et désirer ce changement.
Prendre conscience de ses manques, de ses frustrations, et se connecter à sa conscience profonde est possible:

  • par l’introspection,
  • la discrimination de la violence
  • et aussi par la méditation
  • mais encore: la prière, la confiance, l’ouverture aux autres, …

Ces pratiques nous aident à mieux nous connaître. Au fur et à mesure, nous devenons de plus en plus clairs, plus rapides et naturels dans nos choix, plus spontanés, plus justes. Nous nous connectons à nous-même, nous sommes au plus vrai et au plus profond.
Les bouddhistes mentionnent très souvent l’ «interdépendance» des phénomènes. Nous sommes tous connectés les uns aux autres: mon bonheur dépend de celui des autres. Celui qui travaille sur sa conscience, influence forcément le reste de l’humanité…

Suis-je dans Ahimsa?

Certainement que dans vos vies vous avez déjà eu l’impression d’agir en parfaite harmonie avec une sagesse intérieure. Dans de telles occasions, même longtemps après, il ne demeure aucun doute par rapport à vos choix. Il demeure une impression paisible et heureuse d’avoir été au plus juste. Vous êtes en paix avec vous-même.
Et ce, alors même que, vu de l’extérieur, votre attitude pourrait avoir été perçue comme violente.
Une certaine forme de «violence » mais dans la conscience d’Ahimsa – a sa place, dans des contextes bien précis, tels que par exemple:

  • correction (modérée, il va de soi) d’un enfant qui ne met plus de limite;
  • violence physique envers quelqu’un d’injuste, par exemple pour sauver des vies mises en danger. Parfois, ne rien faire est plus violent que d’agir, si on en a les moyens.

A l’opposé, peut-être aussi, avez-vous le souvenir d’un malaise intérieur suite à un usage déplacé de la non-violence, … pour ne pas avoir été à l’écoute de votre conscience. Même après coup, et si cela est possible, vous pouvez apaiser ce malaise, si vous engagez une communication vraie avec les personnes en cause. Si cette communication ne peut pas avoir lieu, il demeure que le pardon guérit. Il est important de savoir aussi se pardonner à soi-même.

La communication non-violente

Un article précédent a traité de ce sujet (ici>>) . Bien se connaître et être à l’aise dans la communication est utile pour désamorcer des conflits sous-jacents ou déclarés. C’est aussi savoir prendre conscience des schémas «violents» et destructeurs que l’on peut avoir soi-même (inconsciemment) mis en place.

Voilà, je vais m’arrêter là. J’espère que vous avez tenu bon dans cette longue lecture, car ce sujet nous touche tous, de très près.

J’écrirai un peu plus tard le troisième et dernier volet sur Ahimsa. Ce sera Ahimsa: une histoire de soi à soi…
Source image: http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AFrip_Fencing_.jpg – Par Charles Edwin Fripp (1854-1906) [Public domain], via Wikimedia Commons

Michèle Lefèvre Granclément

Le Yoga m'accompagne au quotidien depuis longtemps et je le transmets depuis 1991. La méditation et la pratique des différents aspects du Yoga Intégral, les rencontres sur le chemin, et l'étude des textes sacrés / philosophiques, sont mes sources d’inspiration. L'amour de la Nature et l'approche holistique de la santé, depuis l'enfance, m'ont conduite à mettre en pratique conjointement les sagesses de l'Ayurveda et du Yoga, puis à étudier leurs synergies. La Joie et l'évidence de la transmission de ces voies sœurs découlent de cette expérience de Vie.

10 Comments

  • Anne dit :

    Un tout grand merci pour votre blog!
    Il est d’une grande richesse pour ceux qui ont besoin d’approfondir le yoga.
    Encore merci.

  • Anna dit :

    Bonjour Michèle
    je me pose en ce moment la question de la souffrance animale et je vois que le yoga est souvent associé au végétarisme sans poisson, viande et oeufs mais avec produits laitiers…Or quand nous observons le sort des vaches laitières même bio en Occident, ne devait-on pas éviter ces derniers aussi?
    Pourquoi la vache est sacrée mais le yogi peut en consommer le lait? La vache montre-t-elle son accord? Je ne comprends pas bien.
    Si vous pouviez m’éclairer, ce serait fort utile dans ma réflexion;)
    Merci!

  • Michele dit :

    Bonsoir Anna,
    Ce que vous dites est vrai. D’une part, les yogis qui écrivaient leurs recueils de sutras à l’époque, buvaient du lait de vaches plus respectées et mieux traitées qu’aujourd’hui.
    Et d’autre part, les produits laitiers font polémique sur ce plan de la non-violence envers les animaux, comme celui de la tolérance de nos propres organismes.
    Ainsi, le choix de prendre des produits laitiers est laissé à la conscience de chacun, tant du point de vue d’Ahimsa pour les animaux, que d’Ahimsa pour soi, par rapport à sa santé.
    Se passer de produits laitiers peut très bien convenir à certains organismes et moins à d’autres. On pense notamment à l’apport calcique…
    En cas d’option végétalienne, il est bien de se faire suivre par un médecin, pour quelques analyses sur les premières années, afin de s’assurer que le calcium et l’apport de la vitamine B12 sont ok.
    Vache sacrée: la vache est sacré en Inde car elle est la représentation de la Mère Divine, qui nourrit généreusement ses petits… et même nous, qui ne sommes pas ses veaux…
    Donc, pour les hindous, consommer le lait de la vache est donc un acte peu anodin, en lien direct avec le sacré dans son aspect maternel. La Mère Divine est celle en qui le dévot peut s’abandonner et lâcher prise. Sachant qu’il ne pourra jamais tout contrôler dans sa vie, il trouve refuge en Elle.
    Sur Wikipedia, je viens de trouver cet extrait du Rig Veda, à propos des vaches:

    « 3. Qu’elles ne soient jamais perdues, qu’aucun voleur ne les blesse jamais ; qu’aucun adversaire malveillant n’essaye de les harceler. Que le Maître des Vaches vive de nombreuses années avec celles-ci, les Vaches dont la grâce lui permet de faire des offrandes et de servir les Dieux. 4. (…) Que ces Vaches, bétail du pieux adorateur, puissent errer sur un vaste pâturage où ne se trouve aucun danger. 5. Pour moi les Bovins ressemblent à Bhaga, ils ressemblent à Indra, ils ressemblent à une part du Soma versé (…) 6. Ô Bovins, (…) faites prospérer ma maison, avec vos voix propices. Votre puissance est glorifiée dans nos assemblées. 7. Broutez les bons pâturages et ayez à votre portée une eau pure et douce en de beaux lieux d’abreuvement. Ne soyez jamais aux mains du voleur ou du pécheur, et puisse la flèche de Rudra vous éviter toujours.  »
    Rig Véda VI, 3,4, 5, 6, 76.

  • Anna dit :

    Merci pour votre réponse!! Nous avions eu dans un sujet précédent une discussion indirectement sur le végétarisme. Je demandais alors pourquoi les yogis ne consomment pas de chaire animale. Je croyais qu’il n’y avait que l’aspect spirituel. La réponse de Philippe m’avait saisie même si j’avais répondu de façon un peu spontanée: la viande BIO est produite dans le respect de l’animal….pensais-je alors.
    Manque d’informations de ma part et ce principe d’Ahimsa qui me trottait dans la tête. Depuis quelques jours, je commence un régime ovo-lacto-végétarien qui n’ est pas difficile pour le moment. Les oeufs BIO ne dispensent pas du broyage des poussins mâles et j’en ai hautement conscience. Mais je ne veux pas passer de tout à rien du jour au lendemain. Je patiente déjà quelques mois et ensuite je supprimerai les oeufs.
    Pour le lait, je ne me vois pas ne plus en consommer, alors je choisis pour le moment le label DEMETER et soutiens la Protection Mondiale des Animaux de la Ferme PMAF.
    J’ai encore du mal avec la séparation prématurée du veau et de la vache et espère que le label DEMETER évoluera encore plus strictement, mais c’est le meilleur que j’ai trouvé et j’ai beaucoup de respect pour ces éleveurs qui nagent vraiment à contre-courant!!
    Je diminue quand même la consommation de produits laitiers à un par jour puis un tous les deux jours et j’introduis plus de laits végétaux.
    Auriez-vous un bon livre à me conseiller sur l’alimentation végétalienne et ayurvédique?
    Merci encore pour votre blog. Je sens beaucoup de changements dans ma vie depuis la lecture de votre blog et autres sources d’informations sur le yoga….Je me sens aussi plus d’empathie envers les autres et comprends mieux certaines réactions. J’essaie d’ être moins catégorique. Il faut dire que le principe de NON VIOLENCE à lui seul détient une sacré sagesse!:)
    Bonne journée

  • Anna dit :

    Une précision. En fait pour les oeufs, je n’en mange pas depuis une semaine car le label DEMETER ne dispensent pas le massacre des mâles. Je crois que je ne mangerai des oeufs qui si quelqu’un m’en propose de sa propre poule élevée avec amour, espace etc…Autrement, une fois tous les dix ans….

  • Michele dit :

    Bonsoir Anna,
    Philippe serait mieux placé que moi encore pour vous répondre car il est très investi dans toutes ces questions. Sauf erreur, il s’occupe du site http://www.les-vegetaliseurs.com/, qui pourrait vous intéresser.
    En tous les cas, on peut dire que vous êtes une personne « cohérente » et entière, dans votre cheminement par rapport au principe d’Ahimsa. C’est tout à votre honneur…
    Je trouve que vous avez raison de ne pas passer d’un extrême à un autre. C’est important pour votre organisme aussi…
    Le label DEMETER me semble aussi une très bonne référence. Mais je dois dire que les produits laitiers ne sont pas ma spécialité. Mais heureusement qu’il existe des organismes comme eux et des agriculteurs et éleveurs qui se risquent dans la production durable et le bio….
    J’ai des bouquins un peu anciens sur l’alimentation végétarienne et la cuisine ayurvédique, mais je vais regarder et vous répondre ici sous peu. Simplement, j’ai peu de temps car je pars bientôt donner mes stages…
    D’ici-là, bonne continuation
    Michèle

  • philippe12 dit :

    Bonjour a toutes et a tous
    @Michelle
    je ne suis que contributeur au site http://www.les-vegetaliseurs.com/,
    merci pour les references
    @Anna
    pourquoi ne pas avoir 2 poules chez toi
    2 poules suffisent a 3 personnes
    3 pour 4 etc..
    pas plus de 4 eouf par semaine et alimentation BIO de rigueur pour avoir une chance de manger 50% de S..en moins que le consommateur de base..
    avec ca pas besoin de tuer des animaux ..les oeufs sont non fecondés
    Namasté

  • Anna dit :

    Chère Michelle
    Merci beaucoup pour votre réponse et les références. Les grands esprits se rencontrent, j’ avais déjà acheté le premier livre et j’ai complété avec un livre de Valérie Cupillard.
    @ Philippe
    Nous habitons en ville dans un appartement donc il est difficile d’ avoir des poules à la maison!:)
    Merci pour le lien, je vais le potasser.
    Je ne suis pas une grande mangeuse d’ oeufs donc je ne pense pas avoir besoin de diminuer le nombre d’oeufs par semaine.
    Je vais essayer de trouver une personne qui a des poules et qui voudrait m’en vendre…

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